Fail

Made in Luxembourg

d'Lëtzebuerger Land vom 12.09.2014

S’il faut ‘échouer’ quelque part les prochains jours– allusion au titre de l’exposition collective Fail, c’est au Fëschmaart. Ceci encore jusqu’au 20 septembre où sept jeunes artistes luxembourgeois, curatés par Josée Hansen, ouvrent en preview la saison artistique 2014-2015.

C’est une très bonne idée en cette saison encore un peu creuse. Grâce à l’initiative de l’association asbl artcontemporain.lu et avec le soutien du Fonds Culturel National et de la Fondation l’Indépendance, on peut voir la dynamique qui habite Filip Markiewicz (qui rappelons-le représentera le Luxembourg l’année prochaine à la Biennale de Venise), Stina Fisch, Julie Goergen, Gilles Pegel, Pascal Piron, Eric Schockmel et Charles Wennig.

Les artistes que l’on pourra voir ici – ils sont soutenus par la section luxembourgeois de l’Association internationale des critiques d’art (Aica) et ne sont pas des étrangers des cimaises du Mudam et du Casino, ont donc été réunis chez Nosbaum Reding par Josée Hansen sous la bannière de l‘échec.

Que l’on peut bien entendu entendre comme le moteur de la progression d’une œuvre artistique – revenir encore et encore sur le motif sans se satisfaire jusqu’à ce que les pièces produites paraissent abouties est, on le sait, une des voies de la création. C’est ce qu’illustre avec l’humour et au trait incisif qu’on lui connaît Stina Fisch dans les scénettes de la série There’s no win and no Fail. There’s only make. Ses tableautins résument ce processus, sans oublier les idées qui peut-être n’aboutiront effectivement jamais mais amèneront un jour à une nouvelle voie qui sera elle productive.

L’échec, vu sous l’angle sociétal, Julie Goergen, Gilles Pegel et Filip Markiewicz l’analysent de manière moins gentille, toujours au premier étage de la galerie. Quoi de plus terriblement réducteur en effet que ces jeux télévisuels qui promettent la gloire médiatique à des candidats traités en moutons ? On pourra donc jeter un œil sur la maquette de l’appartement reconstitué de la version australienne Big Brother 7 (Autralia : House), où des producteurs sans scrupules manipulent les candidats avides de leur quart d’heure de gloire warholien et rabaissent leur personnalité au degré zéro.

Ils n’auront certainement pas l’idée de ramasser les pavés éparpillés par Gilles Pegel pourtant couleur rouge sang pour les lancer, dans lesquels ils ne verront que les six faces portant le numéro chance doré… La gloire éphémère, la télévision toujours la donne aussi aux événements les plus tragiques, les ramenant au même niveau que des faits divers. Ainsi par exemple l’attentat des Twin Towers à New York, que Filip Markiewicz a reproduit pareil à une image télévisuelle neigeuse, en noir et blanc, au crayon, en train de s’effacer.

La mise en espace en réseau avec d’autres représentations historiques (l’exposition du corps du Che, toujours en noir et blanc) ou anecdotiques (mais en couleurs), donne beaucoup de force à cet accrochage sur des cimaises pour une fois peintes en noir. La couleur du deuil peut-être, du drapeau des pirates certainement.

On ne manquera pas de descendre au deuxième espace d’exposition de la galerie au Schéiechlach, où la mise en scène de Charles Wennig est également convaincante, avec des reproductions sur bâche pvc d’extraits de tableaux de l’histoire de l’art, qui donc nous font faire le chemin inverse de l’instantané aussi vite oublié qu’apparu : d’un coin de mémoire à notre rétine resurgissent l’Eismeer de Caspar David Friedrich, ou Les Nymphéas de Claude Monet par exemple.

Pour finir, on embarquera dans le monde de science-fiction d’Eric Schockmel qui, dans des courts-métrages d’animation semble vouloir nous embarquer dans des mondes interstellaires parfaits. L’ordinateur ne peut être faillible… À voir !

L’exposition Fail, réunissant Filip Markiewicz, Stina Fisch, Julie Goergen, Gilles Pegel, Pascal Piron, Eric Schockmel et Charles Wennig, curatés par Josée Hansen pour l’asbl artcontemporain.lu, est à voir jusqu’au 20 septembre. Galerie Norbaum Reding, 4, rue Wiltheim, Luxembourg-ville. Ouvert du mardi au samedi de 11 à 18 heures.
Marianne Brausch
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