Il faut être un lève-tôt le dimanche matin pour être à 10 heures rue Notre-Dame. Plus confortable, l’horaire est à 19.15 heures en semaine, le mercredi soir. Quoi qu’il en soit, on aura encore le choix trois fois durant ce mois d’août : le 24, le 27 et le 31. Et pour les aoûtiens rentrés de vacances, les occasions d’assister à la performance de Béatrice Balcou seront début septembre, les 3 et 7 septembre.
La jeune Française (elle est née en 1976) a été l’invitée de la résidence d’artiste du Casino de mai à juillet dernier, à laquelle fur spécialement consacré jusqu’ici l’espace de l’Aquarium du Forum d’art contemporain. Ce grand « bocal », projeté sur le boulevard Roosevelt, sied particulièrement bien à l’idée de l’artiste : faire participer le public à la mise en place d’une œuvre d’art, dos tourné à la ville.
On s’assied donc sur une petite banquette, face à une vitrine vide. À l’heure dite, de derrière un rideau apparaissent trois jeunes femmes. Pieds nus, elles ne font aucun bruit et n’échangeront aucune parole tout au long de la (re)présentation qui dure environ une demi-heure. Elles s’approchent d’une grande caisse en bois estampillée Mudam.
Béatrice Balcou a en effet emprunté l’œuvre de Bojan Sarcejic Vitrine (film 3) 2008 au musée du Parc des Trois Glands. Une fois le couvercle ouvert, elles en extraient des caisses en carton qu’elles déposent avec précaution sur une table à tréteaux qu’elles viennent également d’installer. Puis, après avoir enfilé des gants, elles sortent un à un les éléments de l’œuvre – une branche en bois, des feuilles assemblées en plexiglass et d’autres pliées en cuivre.
Deux des jeunes femmes, sous les ordres muets de la troisième, qui tient à la main une photo de l’œuvre, placent alors un à un, exactement, les éléments dans la vitrine. Leurs gestes gracieux (les assistantes de Béatrice Balcou sont des danseuses, leur « cheffe » une « amateure d’art » recrutées pour l’occasion) donnent ainsi à la mise en place son caractère envoûtant. Car si dans les musées, la manipulation des œuvres se fait toujours avec d’infinies précautions, ici la chorégraphie qui naît à cette occasion est l’œuvre d’art de Béatrice Balcou Walk in beauty.
Les spectateurs sont venus spécialement – surtout avertis par le bouche-à-oreille nous ont-ils dit. Ils sont restés sagement assis, les yeux rivés aux gestes des jeunes femmes tout au long de la mise en place de l’œuvre. Puis, ils l’ont regardée, le temps de la monstration et tout aussi fascinés, ont assisté à son remballage. Après un moment de silence, tout le monde a applaudi.
Plus prosaïquement, il aura donc fallu (une fois n’est pas coutume), accéder à ce lieu public qu’est le Casino par l’entrée quasi confidentielle de la rue Notre-Dame, ce qui va certes bien à la révélation de la performance. Mais c’est néanmoins dommage, vu que ce face-à-face privilégié avec l’art contemporain devrait pouvoir plaire à un public plus large que les seuls amateurs d’art. Par exemple à des touristes qui passaient ce jour-là sur le boulevard Roosevelt et qui étaient visiblement intrigués par ce qui se passait « dans la vitrine ».
Auraient-ils trouvé l’entrée du Casino ? Cette question souligne l’ambiguïté du propos de Béatrice Balcou, qui propose un moment hors du temps et de beauté dans un recueillement qui confine à une monstration quasi religieuse. Or, l’art (et l’art contemporain en particulier) serait-il réservé aux seuls membres initiés d’une sorte de secte ? Un facsimile permanent de l’œuvre (sa maquette en bois installée dans une vitrine semblable à celle où a lieu la mise en place de l’œuvre véritable) intitulé Vitrine (film 3) Placebo 2014 ne révèle pas l’intention à ce propos de l’artiste alors que les horaires de la performance, en dehors des heures normales d’ouverture du Casino, semblent, eux, le suggérer...