Images d’Épinal, le nord et ses atouts naturels continuent d’attirer les touristes hollandais venant planter leurs tentes dans les vallées de l’Our ou aux abords du lac de la Haute-Sûre. Nature avec un grand N, à l’état sauvage. C’est ainsi que les offices du tourisme aiment à vendre ces régions accidentées, un bol d’air, dernier rempart protégé contre les entrepreneurs vautours qui ne s’intéressent qu’à la valeur marchande des terrains. On y vend des produits artisanaux, les agriculteurs sont tenus à limiter l’exploitation extensive de leurs terres et le tourisme se veut durable, avec une touche verte. Le nord du pays est grossomodo divisé en deux parcs naturels – celui de la Haute-Sûre, créé à la fin des années 1990 et le parc naturel de l’Our, lancé en 2005. Pour préserver la propreté de la plus grande réserve en eau potable du pays, les activités touristiques autour du lac de la Haute-Sûre sont explicitement tempérées. Un règlement interdit par exemple la location de canoës. Le touriste est tenu à faire ses rondes dans les bois et à consommer les produits du terroir. Or, que valent ces arguments de vente lorsqu’on sait qu’aucune localité, à part le Heiderscheidergrund, ne dispose de station d’épuration digne de ce nom et que les boues sont déversées dans les eaux et rivières naturelles ?
La contradiction est connue, mais ni les communes, ni l’État ne sont disposés à faire l’effort nécessaire, car il s’agit d’investissements très lourds. Les petites communes n’en sont pas capables, vu leurs menus budgets, même si l’État en finance la moitié. De toute façon, en raison de la faible densité de la population, la région n’est pas considérée comme prioritaire et devra continuer à maintenir la façade proprette et naturelle, quitte à devoir en masquer l’odeur fétide. Dans l’intervalle, le gouvernement déconseille la consommation de poissons pêchés dans les rivières luxembourgeoises, contaminés par des polychlorobiphényles (PCB).
Le traitement des eaux usagées devrait d’ailleurs être l’un des sujets à débattre dans la commune de Wincrange notamment, qui regroupe avec ses 27 localités la plus grande superficie de toute la région nord du pays, et où une coalition CSV/LSAP gère les affaires sous la houlette du bourgmestre Marcel Thommes (CSV). À Troisvierges, la commune voisine, les trois membres du collège échevinal ont annoncé qu’ils ne participeraient plus au scrutin prochain.
À l’approche des élections en octobre prochain, les récentes fusions des communes auront leurs premiers effets, même si certaines ont négocié deux périodes avant de fonctionner normalement en tant qu’entité locale comme toutes les autres. Ainsi, Heiderscheid, Neunhausen et Esch-sur-Sûre ne forment plus qu’une seule commune et les électeurs pourront voter pour tous les candidats des trois sections. Cependant, quel que soit leur score final, Heiderscheid aura droit à sept représentants et les autres à trois élus siégeant au sein du conseil communal. D’un point de vue purement arithmétique, le bourgmestre devrait donc venir de la plus grande entité. Le candidat favori s’appellerait dans cette logique Robert Everling, l’actuel maire de Heiderscheid, même si son homologue d’Esch-sur-Sûre, Gilles Kintzelé, est très populaire lui aussi. La décision de fusionner n’est généralement pas un choix du cœur, mais elle est influencée par l’importante dotation financière de l’État de quelque 2 500 euros par habitant. Une aubaine, surtout pour les communes qui, comme Esch-sur-Sûre, se retrouvent les caisses vides. La nouvelle commune fusionnée disposera donc d’un budget pour une nouvelle mairie, une grande Séibühn à Insenborn, une salle multifonctionnelle et des locaux pour les plongeurs. Esch-sur-Sûre compte aussi construire un bâtiment de parkings aux abords du village pour faire face à l’arrivée des touristes en saison. D’ailleurs, une autre fusion qui se dessine à l’horizon sera celle de la commune du Lac de la Haute-Sûre avec Boulaide.
Depuis le mois dernier, les communes de Consthum, de Hoscheid et de Hosingen sont fusionnées en une nouvelle localité qui porte le nom de « commune du Parc Hosingen ».
Jusqu’en 2017, les édiles de la commune de Clervaux, fusionnée depuis 2009 (Clervaux, Heinerscheid et Munshausen) seront élus selon le système des sections – les quotas répartis en fonction de la population de ces entités. Ici, la bataille aura lieu au sein du CSV où s’affronteront le bourgmestre de Munshausen et député Emile Eicher et l’actuel maire de Clervaux, Yves Arend. De la concurrence pourrait venir de la part des verts avec Jacquot Junk.
Un des enjeux capitaux de la région est la construction du lycée de Clervaux. Or, celui-ci a fait les frais du plan d’économies du gouvernement et a été mis au frigo, en attente de jours meilleurs. Dans ce dossier, il est intéressant de noter qu’un seul député semble vraiment s’intéresser au sort des élèves du nord : André Bauler (DP) de la commune d’Erpeldange a posé une multitude de questions parlementaires à ce sujet, sans doute pour éviter que le projet ne tombe dans l’oubli. L’intérêt pour sa région à lui est surtout de désengorger le trafic venant du nord pour amener les élèves dans les lycées de la région Nordstad.
La population du nord a visiblement mal pris la mise en veille du projet du lycée de Clervaux, voyant là une nouvelle confirmation de son sentiment d’être parmi les laissés-pour-compte de la nation. Or, le nord n’a jamais été mieux représenté du point de vue politique.
Celui-ci se trouve d’ailleurs à la pointe pour le taux de croissance de sa population. Comme les terrains à construire y sont moins chers qu’ailleurs, certains villages ont connu une augmentation de leurs habitants proche du double. Avec tous les problèmes qui y sont liés au niveau des infrastructures et de l’intégration des arrivants – que ce soient des Luxembourgeois ou des étrangers ne fait pas de différence. Comme les emplois sont rares dans la région, sauf à proximité des zones d’activité, certaines localités ressemblent de plus en plus à des cité-dortoires. Et le pacte logement n’a pas arrangé les choses, encourageant financièrement les communes à s’agrandir. Le projet de loi relatif à l’aménagement communal est d’ailleurs en train d’être discuté à la Chambre des députés et devrait être voté en début juillet. En adaptant leurs plans d’aménagement généraux (PAG), les communes pourront alors avoir les instruments nécessaires pour se développer de manière plus harmonieuse, pouvant éviter la construction d’immeubles inadaptés au contexte de leur localité. À l’automne sera présenté le pacte climat, où il est prévu d’intégrer des considérations climatiques et écologiques dans les PAG.
Sur le terrain, un gouffre s’est donc creusé entre les habitants « traditionnels », vivant dans le coin depuis des générations, et les « nouveaux » arrivants qui n’ont souvent ni le temps, ni l’envie de participer bénévolement aux activités des clubs et associations locaux. Sans parler de leur engagement quasi nul dans la vie politique locale. L’intégration se fait donc davantage par les enfants qui fréquentent l’école et la garderie locales.
Vianden doit par ailleurs faire face à l’inconvénient de ne pas disposer de terrains suffisants pour pouvoir s’agrandir. Le problème se pose notamment pour relocaliser les petites et moyennes entreprises. Après de longues discussions pour trouver un site adéquat, la décision est tombée en faveur de Flébour, près de la Nationale 7. En octobre, l’actuelle bourgmestre verte, Gaby Frantzen-Heger, gentiment désignée sous le sobriquet de la « châtelaine » de la commune, devrait faire face à son concurrent socialiste Marc Schaeffer.
Un des sujets les plus préoccupants pour la région du nord est l’augmentation du prix de l’eau qui devrait monter à onze euros à Esch-sur-Sûre par exemple. La commune du Lac de la Haute-Sûre compte à elle seule 24 kilomètres de conduites d’eau, dont le coût devrait en principe être répercuté sur le prix à la consommation. Sur ce sujet, les localités du nord s’entendent toutes pour demander un plafonnement des prix.
Finalement, un des sujets favoris de la campagne électorale sera sans doute la situation catastrophique, d’un point de vue de la sécurité routière, sur la route nationale 7. Cela fait des années que le sujet fait fureur, sans qu’une quelconque initiative ne soit prise. Et les mauvaises langues disent qu’il est facile de revendiquer des changements pendant une campagne électorale, si le pouvoir de décision n’incombe de toute manière pas aux autorités locales mais juste au pouvoir national. Ça ne mange pas de pain.