Madame le Ministre,
J’aimerais vous faire une proposition. Je vous prie de ne pas assister à la remise du prix Servais, le 5 juillet 2010, au CNL à Mersch. Bien sûr, votre nom figure sur le carton d’invitation. Au public, on propose même un message de votre cru. Il s’agit là d’un automatisme et non d’une nécessité. C’est d’ailleurs une tradition qu’il faut désormais questionner. La Fondation Servais pour la littérature luxembourgeoise est un organisme indépendant nullement lié à votre Ministère. Pourtant, sur le site internet de votre administration, parmi les réalisations du Ministère, vous citez aussi le prix Servais. Pourquoi ce détournement ? Pourquoi vous parer d’une initiative qui ne vous appartient pas ? Pourquoi arracher à la Fondation le fruit de ses efforts ?
Une fois de plus, vous optez sans scrupules pour la facilité et la superficialité. C’est malheureusement la griffe de votre Ministère en matière littéraire. Demandez aux écrivains luxembourgeois ce qu’ils pensent de votre gestion. Vous aurez des réponses décapantes. Vous comprendrez donc que je vous vois mal devant un parquet de gens qui aiment la littérature. Pour moi, votre présence n’est pas un honneur, mais une corvée. Je m’explique.
D’abord un mot sur la circonstance. Je me garde bien de surestimer les prix littéraires. Et je trouve ridicule qu’on leur attribue parfois un poids démesuré. Ce qui compte, c’est la qualité du travail fourni par un jury. Dans le cas présent, je n’ai pas à me plaindre. Les membres du jury Servais, aujourd’hui, sont des amoureux de la littérature qui lisent attentivement et en profondeur. Qui s’expliquent, qui discutent, commentent et argumentent avec précision et clarté. Qui publient le résultat de leurs délibérations et n’agissent pas en cachette. Et qui, surtout, refusent net la complicité partisane et le terrain vague de la protection politique.
Ce jury représente tout ce que vous ne représentez pas, Madame le Ministre. « Lass dich nur ehren von denen, die du selber ehrst », fut la devise du philosophe Günter Anders. Partant de ce principe, il a refusé tout un éventail de prix qu’on a voulu lui octroyer, parfois pour des raisons bassement spéculatives. Le jury Servais n’est autre qu’un groupe de lecteurs consciencieux. J’apprécie leur méthode et leur approche. Autant dire que, pour moi, l’effet « promotion » du prix Servais est secondaire. La lectrice chevronnée, le lecteur averti, et rien qu’eux, sont ce qui peut arriver de mieux à un auteur. Ils sont bien plus précieux qu’une ribambelle de prix.
Regardez autour de vous, Madame le Ministre, au-delà de notre étouffante enclave grand-ducale. Prenez par exemple le ministre français de la Culture. Quoi qu’on pense de ses convictions et de ses options politiques, et même si l’on est simplement choqué par son implication dans la désastreuse clique à Sarkozy, on ne peut nier une évidence : Frédéric Mitterrand a du format. Je m’attarde donc un instant sur la forme de ses interventions. Il sait ce qu’il dit, il assimile ses dossiers, il a une parfaite connaissance des causes qu’il doit défendre. Il est cultivé dans le meilleur sens du terme. Quand il parle ou quand il écrit, il apporte le plus grand soin aux formulations justes et aux tournures bien choisies. Et puis, plus important encore, il prend continuellement et sans broncher parti pour les créateurs. Il est l’interlocuteur des acteurs culturels, même si ses prises de position n’arrangent pas tout le monde et déclenchent parfois des polémiques salutaires. Ce qui me frappe dans notre cas particulier : Frédéric Mitterrand ne maîtrise non seulement l’art du verbe, il affectionne visiblement la langue et la langage, il est littérateur jusque dans ses communiqués et ses courriers.
Vous êtes tout le contraire, Madame le Ministre. Quand on annonce l’un de vos discours d’occasion, il se produit tout de suite une sorte de frémissement. Ne vous y trompez pas, c’est un frémissement qui préfigure l’hilarité générale. J’ai dû moi-même subir à plusieurs reprises vos incongruités galopantes. Je me suis demandé si vous ne vous rendez pas compte des réactions du public. Est-ce que la colère des auditeurs, qui se sentent ridiculisés par votre insouciance, ne vous touche pas ? Est-ce que vous n’observez pas ceux qui sont contraints de vous écouter ? Vous constateriez qu’ils vous désapprouvent carrément. Qu’est-ce qui vous prend de maltraiter la langue et le langage face à un auditoire qui est venu par passion pour les finesses et les nuances de la littérature ?
Vous faites écrire vos textes par des spécialistes que vous ne mentionnez pas. Là n’est pas le problème. Si seulement vous vous limitiez à lire ce que d’autres ont rédigé. Mais non, vous vous obstinez à broder autour, vous vous répétez, vous vous lancez dans des improvisations sans issue, vous baratinez à tout casser. À la fin de votre discours, on a le sentiment de sombrer dans un brouillard épais. Tout ce minable cirque ne prouve qu’une chose : vous ne vous donnez même pas la peine de lire attentivement le texte qu’on vous a préparé, avant de le réciter publiquement. Vous croyez qu’il est suffisant de lâcher n’importe quoi. Côté contenu, vous n’avez rien à signaler, absolument rien. À vos yeux, c’est une petite formalité rapidement liquidée, on est dans le domaine culturel, n’est-ce pas, c’est le royaume de l’à-peu-près et des exercices pseudo-rhétoriques qui ne valent pas cher.
Voilà tout le profil de votre politique littéraire. C’est la navigation à vue généralisée et systématisée. On le sait, vous n’êtes pas Ministre de la Culture pour avoir fait preuve d’une affinité prononcée, mais pour avoir rendu de bons services à votre omnipuissant père supérieur, l’infaillible Premier Ministre. Il vous fallait bien une récompense, ou dirais-je un parachute doré, et la culture, telle que votre parti la comprend, est le territoire idéal où il ne faut pas certifier ses compétences. Dans le programme de votre parti, la culture n’est qu’un appendice, pour ne pas dire une regrettable appendicite chronique qu’il faut assumer bon gré mal gré. Manifestement, vous n’êtes pas friande de conceptions claires.
Là encore, vous improvisez à tous vents. Pour le dire de manière un peu moins polie : vous attachez plus d’importance à ce que Monsieur Wolter, votre ami de parti, puisse arborer la Gëlle Fra dans sa commune, que de veiller à présenter un discours de circonstance qui mérite tant soit peu son nom. Nous sommes en plein copinage explicite. De la sorte, vous affichez publiquement votre dédain pour tous ceux qui ne font pas partie de la famille. Ils n’ont même pas droit à quelques paroles correctement épelées. Paroles en l’air, de toute façon.
Dans le temps, j’avais la chance de connaître le ministre de la Culture Robert Krieps. Je parle délibérément de « chance », car en matière littéraire, il n’y allait jamais par quatre chemins. Ainsi, je me souviens de sa phrase hautement typique : « Bréng mer eng gutt Iddi, da maache mer dat. » Autrement dit, ce ministre était un stimulateur, un motivateur et un partenaire qui ne trouvait pas honteux d’attribuer aux artistes la priorité créatrice. Et puis, sa promesse d’agir en conséquence n’avait rien d’une simple boutade. Aucune trace de tout cela dans votre gestion des affaires littéraires, Madame le Ministre. Aucun projet d’envergure, aucune idée novatrice, pas la moindre esquisse d’une possible utopie. Dans votre Ministère, l’imagination fait naufrage. Non, vous n’avez manifestement pas l’intention de générer l’avenir. Vous vous bornez au rôle d’une administratrice plutôt mal lotie. Pire encore, vous abandonnez le secteur littéraire au dilettantisme écoeurant d’une fonctionnaire attachée.
En quelques années seulement, cette dame a réussi à détruire tout l’héritage de Roger Manderscheid, qui a investi la même fonction au ministère de la Culture sous Robert Krieps. Roger, chargé du domaine de la littérature et de la peinture pendant des décennies, a généreusement et patiemment construit un cadre solide, adapté aux besoins et aux demandes des premiers concernés. Son bureau était une pépinière, Roger était l’ami sincère des artistes, leur confident et leur complice. Ces dernières années, Roger a dû vivre le déclin rapide de son travail de pionnier. Roger fut un honnête bâtisseur, votre fonctionnaire n’est qu’une employée du déblayage, inconsciente et sans doigté. Elle a successivement démantelé, Madame le Ministre, votre complaisance ou votre indifférence aidant, ce que nous croyions être des bastions, ou du moins des acquis : l’autonomie du métier d’écrivain, l’esprit de justice dans les démarches de l’État, la fin des discriminations et des magouilles politiques dans le secteur culturel.
Pour rendre un brin de justice à Roger, ne fut-ce que pour l’apparence, vous disposez d’un excellent outil, Madame le Ministre. Vous n’avez qu’à autoriser la maison d’édition dont Roger est le co-fondateur d’exposer ses livres dans les foires internationales. Ce serait un geste tant soit peu réparateur. Or, vous n’êtes même pas capable de ça. Vous exigez des éditions ultimomondo qu’elles se fassent membre de la Fédération des Éditeurs luxembourgeois, pour pouvoir accéder au soutien actif de l’État. Non seulement, nous contestons le bien-fondé d’un tel raisonnement anti-démocratique, nous nous insurgeons aussi contre votre politique de la promotion sélective.
Nous nous sommes plaints auprès de vous dans une lettre ouverte, et nous vous avons demandé de nous répondre de façon distincte et non évasive. Il n’en est rien. Vous ne répondez pas. L’urgence ne vous intéresse pas. Ou n’arrivez-vous pas à la saisir ? Dans les journaux, nous lisons des remarques expéditives, genre « Es wird keine offizielle Antwort geben » (Lëtzebuerger Journal), ou « Denise Besch vom Kulturministerium winkt ab » (Tageblatt). C’est le vocabulaire du mépris. Tant pis si les textes de grands créateurs comme Roger se trouvent écartés de l’accès aux événements littéraires à l’étranger. Roger a le mérité d’avoir créé un système transparent et dynamique d’aide à la création littéraire et éditoriale. Aujourd’hui, vous vous moquez ouvertement de lui, Madame le Ministre. Vous annulez ses visions, vous sabotez ses réussites. C’est triste à en mourir.
Je ne sais pas si, quelques semaines après sa disparition, les états d’âme de Roger à propos de votre politique ont de quoi vous émouvoir. Je peux vous dire qu’il était inconsolable et sidéré. Il n’arrivait pas à croire qu’un Ministère de la culture puisse prendre en otage des écrivains ou des éditeurs, pour des motifs parfaitement futiles. Il refusait d’admettre qu’un Ministre puisse avoir le culot outrageant d’empêcher des œuvres littéraires de voyager. Peu à peu, j’ai l’impression que votre entêtement face à nos revendications est de mauvais augure, Madame le Ministre. À une journaliste qui vous a abordée en marge d’une manifestation, vous confiez que « pour des raisons d’organisation », il est plus aisé pour vous de vous limiter à la seule Fédération des Éditeurs, et d’ignorer les indépendants.
Et revoilà votre programme minimaliste. Vous optez pour la facilité, vous n’avez visiblement aucune envie de vous occuper des interférences complexes du champ culturel. Quand les choses se compliquent, ce qui est normal quand il s’agit d’une matière chargée de nuances et de prédilections multiples, vous préférez l’évasion à la discussion laborieuse. Vous prenez alertement la clé des champs. Entre-temps, votre fonctionnaire garde le privilège de brusquer les auteurs et les éditeurs et de fortifier à leur encontre les embuscades techniques. Au nom de la sacro-sainte paresse administrative.
Vous ne serez pas surprise de m’entendre dire que ma sympathie pour votre famille politique, Madame le Ministre, et pour les vaillants soldats de Dieu qui vous comptent parmi leurs brigadistes méritoires, fait cruellement défaut. Permettez-moi d’illustrer mon aversion par le biais d’un détail révélateur. Il y a quelque temps, vous avez bousculé sans nécessité aucune la configuration démocratique du Conseil national du livre. Avant, le président de ce Conseil était désigné par les membres effectifs. Vous avez radicalement changé la donne en parachutant, pour ne pas dire en catapultant l’un de vos protégés à la tête de cet organe. L’ensemble du Conseil a été mis devant le fait accompli. Ce fut déjà une gaffe monumentale. Mais l’astuce réside dans le choix du personnage qui vous tenait à cœur. En effet, c’est le chef des éditions Saint-Paul qui prenait les rênes au Conseil.
Loin de moi l’idée de contester les capacités et le talent de cet éditeur. Je parle ici de la valeur symbolique de votre mauvais coup. Cette manœuvre indigne n’a que l’avantage de servir les intérêts de votre propre camp politique. Avec un zeste de mauvaise foi, je pourrais même affirmer qu’à travers l’émissaire de l’empire Saint-Paul, c’est l’archevêque qui tient désormais le rôle de patron des livres et de la littérature, du moins dans l’enceinte du Conseil. Seriez-vous sérieusement d’avis qu’un tel stratagème lamentablement politicien puisse servir l’émancipation de la littérature au Luxembourg ? Qu’en est-il de la diversité et du concours d’idées ? Pourquoi déclinez-vous les procédures démocratiques, avec une nonchalance déconcertante ?
Un rédacteur culturel du quotidien épiscopal, à l’esprit particulièrement carré, n’hésite pas à qualifier « d’hystériques » les écrivains qui ne se rallient ni à son journal, ni à son église. L’hystérie étant une catégorie clinique – le journaliste en question, diplômé en psychologie, ne l’ignore pas –, le spectre des asiles psychiatriques pour dissidents notoires n’est pas loin. Ce même quotidien, qui a déjà tenté d’assommer à coups tordus incessants le Ministre de la Justice Robert Krieps, continue toujours à dénoncer par tous les moyens la liberté de conscience et d’expression. Dans le débat sur l’euthanasie, il a associé les défenseurs du droit de mourir en dignité à de vilains assassins. Plus récemment, il s’attaque aux femmes qui plaident pour l’interruption volontaire de grossesse, qu’il présente comme de pitoyables tueuses d’enfants, donc comme des criminelles pures et dures. C’est le degré zéro d’une dispute tant soit peu culturelle. Autrement dit : c’est la faillite de toute ambition intellectuelle. Je ne vous ai jamais vue ou entendue prendre symboliquement la défense des personnes ainsi diffamées, Madame le Ministre. Pourtant, la plupart d’entre elles sont issues du milieu culturel luxembourgeois, on vous l’a sûrement rapporté.
Votre prédécesseur, Madame Erna Hennicot-Schoepges, avait le caractère et le cran de réagir sans équivoque, lorsqu’un député de votre parti exigeait d’elle, sur la tribune du parlement, d’exercer la censure contre Claude Frisoni, le commentateur qui avait osé ironiser sur l’idéologie catholique. Madame Erna Hennicot-Schoepges a fait ce que la dignité d’un ministre de la culture lui imposait : elle a vertement réfuté les attaques du censeur, pour souligner le droit évident à la liberté d’opinion et de conviction. Dans le même registre, elle s’en est ouvertement prise à ceux qui exigeaient la destruction de Lady Rosa of Luxembourg. Cette croisade contre la liberté artistique était, une fois de plus, orchestrée par le quotidien épiscopal. Madame Erna Hennicot-Schoepges, par ses prises de position courageuses, a relevé en filigrane qu’un ministère de la Culture n’est pas comparable à d’autres administrations de l’État.
Le ministère de la Culture fait aussi fonction de refuge. Il est, dans le cas idéal, la structure qui permet à l’État de protéger sa propre Constitution. Votre prédécesseur, Madame le Ministre, a été gravement pénalisée pour sa politique engagée. Votre parti, qui est celui de l’intolérance institutionnalisée et programmatique, l’a descendue avec une brutalité inouïe. Elle, qui fut la présidente de votre parti, a été proprement liquidée pour avoir été infidèle à l’obscurantisme ambiant. Cette mésaventure ne va pas vous arriver, Madame le Ministre. Tant que vous préférez le silence significatif au moindre mot subversif, vous resterez le chouchou du Grand Infaillible. Les acteurs culturels n’ont qu’à jouer leurs propres avocats. Inutile de compter sur vous. Ce qui vous réussit le mieux, c’est la divagation.
Nulle part, vous ne manifestez le besoin d’approfondir les sujets. Ou de vous munir au moins d’un savoir élémentaire qui vous permette de porter des jugements en connaissance de cause. Vous n’êtes pas la représentante de la culture, Madame le Ministre, vous n’êtes que l’effigie d’un parti qui se croit tout permis. Un parti pris au piège de sa prétendue supériorité, qui depuis belle lurette n’écoute plus les citoyens hors de ses propres rangs et s’obstine à opérer en vase clos. Dans une émission récente sur RTL, Monsieur Juncker, parlant des mesures d’austérité qu’il préconise farouchement, a glissé une remarque symptomatique qui résume bien la mentalité de votre parti : « Och wann d’Leit mengen, et wär net richteg, dann ass et awer richteg. » En d’autres termes : Moi, j’ai toujours raison d’avance, immuablement, les critiques ne me chatouillent point. Vous imitez déjà la tactique de repli du Grand Infaillible, Madame le Ministre.
Votre nouvelle loi sur le fonctionnement des bibliothèques régionales a provoqué l’opposition unanime des acteurs sur le terrain. Est-ce que vous les avez pris au sérieux ? Avez-vous seulement écouté leurs doléances ? Loin de là. Vous avez rétorqué littéralement : Je ne permettrai à personne de s’en prendre à mon texte législatif. Est-ce là votre conception du processus démocratique ? Insensible aux impératifs réels, vous substituez votre vue abstraite et nécessairement fragmentaire à l’expérience des travailleurs culturels. Ceux qui « font » la culture, n’ont qu’à battre en retraite.
Naturellement, je ne me permettrais pas l’arrogance d’empêcher votre visite à Mersch, si jamais l’envie vous prenait de vous aventurer dans un champ miné. Je ne refuse pas non plus les bagarres d’idées et de principes, même âpres et sans perspective. Ce que je ne veux plus, c’est que vous veniez au Centre national de la littérature pour reprendre votre petit jeu de massacre. Pour exhiber une fois de plus votre terrible désinvolture qui ne vous permet pas de saisir que vous injuriez les écrivains, les lecteurs, les chercheurs du CNL, quand vous tournez en dérision la littérature. Je ne veux plus que vous affichiez publiquement votre ignorance en me signifiant : tout ceci ne m’intéresse pas vraiment, je suis là pour la photo de presse, et puis foutez-moi la paix.
Surtout ne me faites pas l’insulte, Madame le Ministre, de vous faire remplacer par votre fonctionnaire en charge du ressort littéraire. Vous savez pertinemment, pour l’avoir lu dans plusieurs articles vigoureux, que la communauté littéraire luxembourgeoise en a marre des intrigues et des incroyables mensonges et fourberies de cette dame. Elle aussi est à l’image de votre politique littéraire : vous déclarez la guerre aux créateurs, une guerre sournoise et malsaine, au lieu de les soutenir ou du moins les secourir. N’êtes-vous pas rémunérée pour cela précisément ?
Ceci dit, je n’ai rien contre vous en tant que personne, Madame le Ministre. Comme vous, les railleries, les taquineries, les niaiseries et les provocations bon enfant me tentent, en temps opportun. J’aime bien les gens de la Moselle, ils sont accueillants et d’une franchise presque pittoresque. Mais je redoute aussi leur naturel grossièrement conservateur. Pourtant, j’imagine que nous pourrions nous accorder et même nous comprendre, à l’ombre d’une vigne somptueusement garnie. Il suffirait de tomber sous le charme du flou artistique vini-viticole. Nous pourrions parler de tout, sauf de littérature. J’aimerais bien rigoler avec vous, à bâtons rompus, sans engagement réciproque. Mais quand la littérature est en jeu, le vin risque de tourner bien vite. Si je vous propose d’éviter le détour par Mersch, je vous saurais gré par contre, en guise de compensation, d’animer allègrement votre troupeau d’électeurs. Ils seront reconnaissants et ravis d’aller trinquer avec vous.
Bien à vous, Madame le Ministre.
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