Exposer dans l’espace public n’est jamais chose facile, mais que la directrice artistique d’un événement institutionnel comme la documenta 13 intervienne personnellement pour censurer des œuvres qui se situent en dehors de sa programmation personnelle est une chose nouvelle. Dans le cadre d’une exposition monographique de l’artiste Stephan Balkenhol, à l’église Sainte Elisabeth de Kassel, celui-ci a installé une grande figure en bois, debout sur une boule dorée, à l’intérieur de la tour de l’église. L’architecture du bâtiment est ainsi faite, que cette œuvre est très bien visible du Friedrichsplatz où se situe également le Museum Fridericianum, lieu central et emblématique de la documenta.
Carolyn Christov-Bakagiev, (CCB pour les intimes), qui est responsable de la documenta 13, s’est dite « menacée » par l’homme debout de Balkenhol, et lui a demandé de faire enlever son œuvre. La documenta 13 a fourni la suspension préalable d’un projet de Gregor Schneider comme justification de leur demande. Schneider, qui travaille en ce moment à Sydney sur la ré-installation de son Haus Ur, avait reçu une commande de l’église évangélique de Kassel pour y réaliser un travail d’envergure. Or, le projet de Schneider, dont ni l’emplacement, ni la taille n’étaient déterminés à ce moment-là, a été abrogé après que l’évêque de Kassel ait été directement contacté par les instances de la documenta 13. Gregor Schneider, après avoir été court-circuité (aucun responsable de la d13 n’a essayé de le joindre), s’est maintenant associé à Stephan Balkenhol, dans une résistance, du moins médiatique à la d13 qui a cessé de commenter les évènements.
Il y a peut-être une belle ironie dans le fait qu’un artiste contemporain trouve finalement refuge dans une église catholique, face à une machine institutionnelle de l’art qui clame haut et fort son hégémonie sur la topo-graphie de l’ancienne ville industrielle allemande.
Les deux tentatives de censure de CCB font beaucoup de tort à l’institution de la documenta, qui ne s’est pas encore vraiment remise de l’échec de sa douzième édition il y a cinq ans. Stephan Balkenhol a résisté et fêtera le finissage de son exposition le 18 septembre de cette année, deux jours après la fin de la d13. Gregor Schneider, quant a lui, dit sérieusement réfléchir à réaliser son installation, en Chine cette fois. Christian Mosar