Après plus de trois ans de débats tendus, le dossier Eurovignette s’est enfin débloqué mardi 7 juin avec le vote à une large majorité des eurodéputés (de 505 voix pour, 141 contre et 17 abstentions) à Strasbourg. Ils ont finalement accepté le compromis dégagé deux semaines plus tôt avec le Conseil des ministres par le rapporteur Saïd El Khadraoui (S[&]D, Belgique) qui tient compte du coût des nuisances sonores et de la pollution de l’air. L’accord obtenu mardi autorise ainsi les États membres à facturer aux transporteurs routiers le coût de la pollution atmosphérique et sonore en plus du prix de l’utilisation des infrastructures autoroutières actuellement en vigueur. Il étend le champ d’application de la directive Eurovignette, afin de couvrir non seulement le réseau transeuropéen, RTE-T, comme c’est déjà le cas, mais également toutes les autoroutes d’Europe. Cette taxe fondée sur le principe du pollueur-payeur est semblable à la redevance suisse sur le trafic des poids lourds.
Elle représentera un coût de trois ou quatre centimes par véhicule et par kilomètre en moyenne en fonction de la classe du véhicule indiquant son degré de pollution, du lieu et du taux d’encombrement. Le paiement s’effectuera par des systèmes électroniques qui devront être pleinement opérationnels d’ici 2012. Un reçu indiquera le montant de la redevance afin que les transporteurs puissent la répercuter sur leurs clients.
Pour décongestionner le trafic dans les zones très encombrées, les États pourront augmenter les redevances en période de pointe jusqu’à 175 pour cent et les diminuer en période creuse. Des tarifs élevés pourront être d’application pendant cinq heures de pointe et des tarifs plus bas le reste du temps. Pour inciter les transporteurs à renouveler leur flotte, les camions dont les moteurs appartiennent aux catégories les moins polluantes pourront bénéficier d’une exonération jusqu’en 2014 pour la classe d’émissions EURO V et jusqu’au 1er janvier 2018 pour EURO VI. La nouvelle réglementation prévoit par ailleurs l’affectation de certaines recettes des péages à l’amélioration de la durabilité des transports (infrastructures, transports verts...).
Malgré l’appel de la majorité des groupes politiques à voter en faveur du compromis, les députés sont assez déçus face à un texte qui reste bien en deçà des ambitions initiales. Le fait que l’application de la directive soit volontaire et qu’elle n’oblige pas les États à réinvestir l’argent des péages « coûts externes » dans le secteur des transports a suscité leurs plus vives critiques. Et comme l’a reconnu Saïd El Khadraoui lors des débats «l’impact concret sur le terrain dépendra de la volonté des États membres ».
Les parlementaires des pays périphériques comme l’Espagne et l’Italie, qui subiront le plus le coût des nouvelles règles, ont qualifié le texte d’« injuste », estimant qu’il favorisait les pays de transit comme le Luxembourg, qui subissent le plus les nuisances de la route. L’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach ( PPE) s’est, dans un communiqué, élevé contre ces tendances nationales qui ont plombé les débats et a regretté le faible niveau des taxes. Pour lui ce texte est « un exemple typique de la montagne qui accouche d’une souris ».
L’Union internationale de transports routiers a de son coté déploré une nouvelle taxe qui « va en réalité empêcher les opérateurs d’investir dans les meilleures technologies et techniques nécessaires pour (...) atteindre les objectifs de réduction du CO2 ». L’association prévient : elle et les associations de transport routier nationales « vont surveiller de près comment cette nouvelle taxe sera effectivement utilisée par les gouvernements nationaux ». La directive leur en donnera les moyens, vu qu’elle oblige les États à faire rapport sur l’utilisation de l’argent perçu.
Le Conseil doit encore approuver formellement le compromis à la majorité qualifiée, ce qui ne devrait pas poser de problème. Les États membres auront ensuite deux ans maximum pour transposer la législation avant qu’elle ne s’applique.