La pugnacité de la présidence hongroise de l’UE et de la Commission européenne n’a pas payé : l’Italie a refusé le 17 mai de se rallier à un compromis sur la fiscalité de l’épargne aussi longtemps que ne seront pas sanctionnés les États qui violent, selon elle, la réglementation existante. Rome a dans ce contexte adressé une volée de bois vert à la Suisse. La présidence hongroise a proposé aux ministres des Finances des 27 de donner leur feu vert à la Commission pour préparer des mandats de négociations avec cinq pays tiers – Suisse, Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin et Monaco. Il s’agirait ainsi de s’assurer qu’ils continueront d’appliquer des mesures équivalentes à celles des Européens dans le cadre des accords qu’ils ont conclus en 2004 avec l’UE dans le domaine de la fiscalité de l’épargne. Les 27 envisagent en effet d’étendre le champ d’application de la directive, actuellement limitée aux revenus de l’épargne perçus sous forme d’intérêts par des non-résidents, à de nouveaux produits (fonds d’investissement, assurances-vie, etc.) ainsi qu’à certaines «entités intermédiaires» (trusts, fondations, etc.) pouvant servir de paravents aux fraudeurs.
Le Luxembourg, longtemps réticent, a finalement approuvé le projet de conclusions rédigé par Budapest qui, il est vrai, évite soigneusement d’aborder la question sensible de la suppression du secret bancaire. Luxembourg et Vienne exigent d’être mis sur un strict pied d’égalité avec la Suisse et refusent d’être contraints à basculer du système de le retenue à la source vers celui de l’échange automatique d’informations entre administrations fiscales si la Confédération ne leur emboîte pas le pas. L’Italie a mis son veto à l’adoption du texte, malgré la pression qu’ont exercée sur elle la présidence hongroise et la Commission, ces derniers jours. Le ministre italien des Finances, Giulio Tremonti, a accusé certains États et opérateurs économiques de violer « systématiquement » la réglementation existante. La directive européenne sur la fiscalité de l’épargne « a été écrite par la Suisse », dont « l’Union est devenue membre », s’est-il plaint. « C’est un tigre de papier, un texte qui n’a pas de dents. Des obligations ont été imposées aux institutions financières et aux États, mais aucune sanction n’a été prévue » à l’encontre de ceux qui ne les respectent pas. Cela « ouvre la porte à des abus. C’est un scandale », a-t-il ajouté, en accusant les banques « d’utiliser des systèmes d’assurances ou des fonds offshore » pour contourner leurs obligations. L’Italien en veut pour preuves les résultats de l’opération d’amnistie fiscale qu’elle a menée en 2009. Ils ont révélé que les fonds dissimulés par les Italiens en Suisse sont trente fois plus importants que ce qui apparaît dans les comptes de la Confédération. En 2008, Rome a récupéré 123 millions de francs suisses, un montant jugé dérisoire.
Giulio Tremonti a affirmé que son pays refuserait de faire la moindre concession aussi longtemps que l’UE « ne s’engagera pas à appliquer des sanctions contre les pays et les opérateurs » indélicats, dans le cadre de l’examen de l’application de la législation européenne existante qui est prévu à Bruxelles : la Commission présentera un rapport « avant la moitié de l’été », a confirmé le commissaire européen, Algirdas Semeta.
En attendant, la Hongrie va malgré tout « essayer de voir comment faire progresser le dossier » avant la fin de sa présidence, le 30 juin, a annoncé son grand argentier, György Matolcsy. Mais elle semble désormais à court d’idées.