Les finances publiques luxembourgeoises, observées à la longue-vue, pour ne pas dire au télescope, et sur la durée présentent à terme une « soutenabilité défaillante » et ce ne sont pas les mesures d’assainissement prévues pour 2012, ni le mécanisme de « pensions à la carte » qui changeront cette appréciation sans pitié que fait la Banque centrale du Luxembourg (BCL) dans son rapport annuel 2010 présenté ce jeudi. Le discours prêchant une plus grande rigueur budgétaire de la part du gouvernement luxembourgeois et des coupes dans les dépenses, n’est pas nouveau. Les simulations réalisées sur un horizon de près de trente ans, 2011-2040, seules capables, selon la BCL, d’apprécier « correctement la cohérence dans le temps de la politique budgétaire », le sont davantage, même si un exercice similaire avait été mené en 2010.
Pour réaliser un exercice qui aboutit au final à une dette publique colossale de plus de 175 pour cent du PIB dans le meilleur des cas et 224 dans le pire d’ici une trentaine d’années (le seuil maximal des 60 p.c. sera franchi en 2026) – c’est-à-dire près de deux fois la dette de la Grèce en 2009 –, la BCL est partie d’un certain nombre d’hypothèses de base : croissance économique moyenne de 2,2 p.c. par an entre 2014 et 2040, hausse annuelle de 1,7 p.c. des salaires réels par employé, stabilisation de la croissance de l’emploi (privé et public) à 0,5 p.c et inflation pointant à 2 p.c. par an.
Selon les simulations de la BCL, les dépenses liées aux transferts sociaux passeront du taux de 20,4 p.c. du PIB en 2013 à 27,1 en 2030 et 31,5 dix ans plus tard. Dans le vert jusqu’en 2025 environ, les pensions devraient représenter le gros du trou, correspondant à 17,7 p.c. de la dette publique en 2030, 53,2 en 2035 et 97 en 2040. La timide réforme du système des retraites n’y changera pas grand-chose.
Côté revenus, la BCL a tenu compte de l’accroissement marqué des cotisations sociales et des impôts payés par les retraités (tablant sur une amélioration du solde public primaire de un pour cent du PIB sur la période), ainsi que du taux de rendement de la dette (3,5 p.c. par an). Les simulations intègrent des paramètres moins réjouissants qui pèseront sur les recettes comme la fin du tourisme à la pompe et le tarissement des recettes de TVA liées au commerce électronique. Si le Statec ne s’inquiète pas tant que ça de l’impact d’une disparition de la manne de l’e-business (d’Land du 3 juin), la BCL juge que ces élé-ments vont provoquer une déperdition de quatre points de PIB entre 2013 – à cette date, les recettes totales correspondront à 38,4 p.c. du PIB – et 2040, où le ratio descendra à 34,3 p.c. Si dans ces rentrées attendues, le recul des impôts directs, suite à « une convergence d’ici 2040 du montant des impôts sur les sociétés vers la moyenne européenne », ne devrait pas être dramatique (13 p.c. du PIB en 2013 et 12 en 2040), les recettes liées aux impôts indirects connaîtront la Berezina : 10,7 p.c. en 2013, 8,4 en 2030 et 7,7 en 2040.
Pour ne pas en arriver à ces extrêmes, la BCL rappelle au gouvernement l’urgence de faire des réformes structurelles en s’attaquant de manière plus incisive à la réforme des pensions (qui représenteront 45 p.c. de l’endettement total en 2040) et en remettant en cause le principe de l’indexation des salaires – Yves Mersch, son président, évalue la hausse du coût salarial moyen à 5,2 p.c. en 2012 sous l’effet de deux tranches indiciaires rapprochées, dont l’une intervenant probablement en mars 2012, après celle du dernier semestre 2011 (lire aussi page 5). Plus que jamais, un surplus d’au moins un pour cent du PIB s’impose à l’horizon 2015 à côté d’une consolidation drastique du budget pour parvenir à l’objectif affiché du gouvernement d’un retour à l’équilibre en 2014, l’année des prochaines législatives.
Le manque d’ambition du programme luxembourgeois de stabilité et son peu de crédibilité laissent toutefois la BCL plutôt sceptique sur les chances du ministre des Finances Luc Frieden, d’atteindre sa cible.