Rien n’a changé, le ministère des Sports accorde toujours ses subsides avec la même nonchalance qu’avant 2005. Cette année-là, la Cour des comptes avait élaboré son premier Rapport spécial sur les programmes quinquennaux d’équipement sportif et du Fonds d’équipement sportif national (d’Land du 16 juin 2006). Les résultats de son analyse avaient été présentés aux députés de la Commission du contrôle de l’exécution budgétaire, mais ils n’avaient pas connu de suite. Aucun rapport, aucune recommandation n’ont été adressés au gouvernement pour l’inciter à se doter de procédures plus strictes en matière de cofinancement avec les communes et syndicats intercommunaux. Maintenant, le député des Verts Felix Braz a repris la main et devrait apuyer son prochain rapport sur le suivi du dossier, présenté lundi à la commission parlementaire.
Ainsi, les subsides de l’État sont toujours accordés selon le principe du « premier venu, premier servi ». Aucun critère précis – établi sur des données statistiques, démographiques ou scolaires – n’est appliqué en la matière, les services du ministère se limitant à une gestion des attributions financières au lieu des gérer les deniers publics selon les principes de l’aménagement du territoire. Ainsi, les terrains de foot ou de basket, piscines avec wellness, halls de sports et stades d’athlétisme, courts et halls de tennis continuent de pousser comme des champignons, alors que selon la Cour des comptes, « le département ministériel aurait dû élaborer un modèle de subventionnement plus actif axé, d’une part, sur les besoins en infrastructures sportives dûment constatés suivant des critères objectifs et, d’autre part, sur les demandes introduites par les maîtres d’ouvrage ».
Les inventaires des installations sportives ne sont pas systématiquement mis à jour et les décomptes sont aussi remis en retard, entraînant des « délais importants de paiement ». D’ailleurs, le septième programme quinquennal de 1998 à 2002 n’a été clôturé qu’en 2010. Une des raisons en est sans aucun doute un manque d’effectifs au sein du ministère des Sports.
Or, il s’agit quand même d’un pactole de 200 millions d’euros consacrés aux deux derniers plans quinquennaux qui couvrent la période de 2003 à 2012. En février, le gouvernement a encore approuvé un projet de règlement grand-ducal établissant une deuxième partie de douze projets à subventionner dans le cadre du neuvième programme quinquennal d’équipement sportif. La Cour des comptes regrette que la manière de cofinancer les projets – 35 pour cent pour des infrastructures sportives locales, 50 au niveau régional et 70 pour cent pour des installations nationales – n’incite pas les responsables publics à faire des économies. Elle avait proposé d’introduire un paiement forfaitaire selon le type d’infrastructure. Cette méthode est certes appliquée dans certains cas, mais l’ancien mode de calcul n’a pas changé. Les opposants aux forfaits craignent que chaque localité finisse sinon par construire les mêmes horreurs architecturales. L’un n’empêche pas l’autre.
Rien de neuf sous le soleil, donc, sauf l’attitude du ministre. En 2005, l’ancien ministre des Sports Jeannot Krecké (LSAP) avait encore donné raison à la Cour des comptes sur pratiquement toute la ligne. Il avait même fait une sorte de mea culpa en reconnaissant que les procédures et contrôles au ministère des Sports avaient tendance à s’émousser à cause d’une trop longue tradition des plans quinquennaux, utilisés depuis plus de 35 ans.
Or, à la lecture de la réponse de l’actuel ministre des Sports, Romain Schneider (LSAP), des améliorations fondamentales ne semblent plus être au goût du jour. Il reconnaît « qu’il n’existe pas de schéma fixe pour la liquidation des différentes tranches de subside, mais force est de constater aussi qu’aucune irrégularité ou entorse n’a jamais été commise ou constatée ». Comment un tel constat pourrait être rendu possible si aucun contrôle systématique n’est effectué ? En 2005, la Cour avait épinglé deux cas où le ministère avait versé trop de subsides à des communes. Résultat des courses : « La Cour constate qu’aucune demande de remboursement n’a été adressée à la commune concernée ».
De toute manière, selon la prise de position du ministre annexée au rapport, il ne semble pas être d’avis que c’est à son département de vérifier l’affectation des subsides accordés. Selon lui, c’est plutôt la tâche des communes ou syndicats de communes, les propriétaires donc. Le contrôle du contrôleur n’est, à ses yeux, pas nécessaire et de toute manière, il ne faut pas se faire d’illusions quant à la mission de planificateur de son département, car « rares sont les équipements sportifs sur un plan local ou régional qui aient été le fruit d’une intention ou d’une volonté programmatrice à long terme en la matière ». Une sorte d’étude de marché concernant la demande et le besoin de la population ne s’impose pas non plus avant de lancer les travaux, car les constructions d’infrastructures sportives « sont davantage le résultat du dynamisme des sociétés sportives établies sur le territoire d’une commune ». Or, comme le dynamisme des clubs locaux tient souvent de l’engagement personnel de quelques membres, la question logique est : qu’arrivera-t-il si ce dynamisme disparaissait ? Les collectivités locales se retrouveront avec des frais d’entretien sur les bras qui peuvent devenir énormes. Dans la foulée, le problème de l’endettement des communes se posera aussi.
La position du ministre est certes pragmatique et confortable pour les intervenants, mais dans le contexte des discussions de restrictions qui ont suivi la crise économique, elle se trouve à la limite de l’impudence.