Les cieux de Metz abritent cet été de nombreuses Constellations. Le tout jeune festival stellaire, qui a su habilement marier patrimoine et art contemporain, hauts-lieux historiques et nouvelles technologies, séduit, cette année encore, un très large public. Une formule gagnante, si l’on en croit les 600 000 spectateurs réunis l’année dernière, qui tient à l’entière gratuité de l’offre culturelle et à l’attrait qu’exerce le mapping, une technologie numérique capable de faire danser les façades de n’importe quel édifice.
Résolument itinérante, la manifestation messine se construit autour de quatre parcours artistiques. Le premier, « Pierres numériques », débute sur la colline Sainte-Croix, là où Rabelais entama la rédaction du Quart Livre. Dès la tombée de la nuit, les incandescents Warping Halos de Children Of The Light irradient l’église des Trinitaires. Changeant de couleur à chacune de ses révolutions, l’anneau mystique appelle la contemplation du spectateur. Autrement ludique et participative est l’installation Summer of Arcade, conçue par David Rosby en collaboration avec le collectif lyonnais WSK. Dans une chapelle des Trinitaires transformée en salle d’arcade, les gamers pourront se livrer à leurs jeux favoris. Parmi les hits de l’époque mis à disposition du public, citons R-Type, Out Run, Metal Slug, sans oublier l’incontournable flipper Addams Family... Continuons de rajeunir en franchissant ensuite les immenses portes médiévales du Fonds régional d’art contemporain (Frac) de Lorraine. Dans le cadre de son exposition dédiée à l’œuvre de Martin Beck, l’institution propose de revivre la dernière fête organisée en 1984 par le DJ David Mancuso dans son loft new-yorkais. Le film de l’artiste autrichien (Last Night), d’une durée de treize heures (!), restitue dans son intégralité la playlist de cette ultime soirée.
C’est sur le parvis de la cathédrale Saint-Étienne que l’on rencontre cependant l’attraction la plus convoitée du festival : le mapping architectural After Lux Animae. La monumentalité de l’édifice est soulignée par le dispositif spectaculaire conçu par Yann Nguema, du groupe EZ3kiel. Pendant un quart d’heure, les 25 000 pierres que compte la cathédrale s’envolent sur d’envoûtantes sonorités psychédéliques. Jusqu’au moment où se dresse la silhouette géante du Graoully, le célèbre dragon appartenant à la mythologie locale. À quelques pas de là, de pareilles créatures chimériques ornent le plafond de l’Ancienne Bibliothèque municipale, au Musée de la cour d’or (Bestiaire céleste, un mapping astrologique signé AV Exciters).
Mêlant collages, graffitis, mapping et installations in situ, le parcours « street art » suit le tracé des lignes Mettis. Près du lycée Fabert, l’ancienne basilique saint-Vincent abrite les fortifications volumineuses de Missy, Grems et Stom 500 (exposition Aérophone). À l’autre extrémité de la rue, la place Nelson Mandela arbore des graffitis de Mantra, un peintre originaire de Metz. Changement de registre à l’église Saint-Pierre-aux-Nonnains, où le duo d’artistes français Taroe & Opéra présente Astrolab, une installation numérique inspirée de l’art du vitrail. Dans le quartier de l’Amphithéâtre, Carlos Cruz-Dies, l’un des pionniers de l’op’art, redonne des couleurs au parvis du Centre Pompidou-Metz. De l’autre côté de la gare, on surprend les figures sans visages de David David assoupies sur les bancs du square du général Mangin. Les passants s’y arrêtent, quand ils ne prennent pas la pose à leurs côtés. Place du roi Georges, les étranges collages de Noon s’installent dans la cité. Sans oublier les teenagers au look rétro de Julien Nonnon que l’on rencontre la nuit au détour d’une rue (Young Neon Pop, une expérience de digital street art).
Celles et ceux qui souhaitent découvrir le paysage suivront le parcours « Art et jardins ». Aux côtés des œuvres permanentes que compte la ville – du Carrosse de Xavier Veilhan (Jardin de l’Esplanade) à la sculpture de Marc Couturier surplombant le parc de la Seille –, des expositions accompagnent le visiteur tout au long de sa déambulation. Sur les berges de la Moselle, on peut découvrir les photographies prises depuis le ciel par Thomas Pasquet, l’astronaute français de l’Agence spatiale européenne. On profitera de la fraicheur de la gare pour admirer la sculpture de Stephan Balkenhol qui rend hommage au résistant Jean Moulin. Le passé sidérurgique de la Moselle resurgit aussi lorsque l’on rencontre les barres d’acier réalisées par Robert Schad. Plus d’une vingtaine de sculptures monumentales sont ainsi disséminées aux quatre coins de la ville (« Parcours Robert Schad »).
Jusqu’au 16 septembre, jour de clôture du festival, de nombreux rendez-vous viendront ponctuer les festivités. Le 15 août, la pièce de théâtre MURS, de la Compagnie des quatre coins, sera jouée place de l’Esplanade. Le samedi 18 août, on pourra assister au concert de Madame Monsieur, le duo découvert lors de la dernière édition de l’Eurovision, suivi du DJ-set de Breakbot. Chaque semaine, jusqu’au 29 août, des ateliers et des lectures pour le jeune public sont organisés au Cloître des Récollets. Le jeudi 14 septembre, la Compagnie Carabosse installera sur l’Esplanade un spectacle en forme de carnet de voyages (Par les temps qui courent...). Enfin, le festival Constellations s’achemine en beauté à l’Arsenal, avec le concert de clôture dirigé par David Reiland, le nouveau directeur de l’Orchestre National de Lorraine.