La country est un genre qui a toujours soufflé le chaud et le froid. Véritable phénomène de société aux États-Unis, elle demeure dénigrée voire conspuée dans une Europe imperméable, et ce, malgré de récentes et louables tentatives de recrédibiliser et redynamiser le genre (les albums de Johnny Cash sous la férule de Rick Rubin, Will Oldham, Lambshop, etc.). Le Vieux Continent continue communément de la percevoir comme l’apanage des ploucs arriérés, subjugués par des modèles américains tout aussi arriérés.
Quoi de plus ridicule que de voir apparaître en plein milieu d’une zone piétonnière, un quidam autochtone roulant des mécaniques affublé d’un stetson et/ou en santiags, voire en chemise western faisant à lui tout seul le remake de Règlements de compte à Groussgaas Corral ? Mais il ne faut pas s’arrêter à ces clichés, provoquant des sourires en coin, voire l’hilarité, instaurés par un glissement des codes vers un pic de kitsch quasi irrécupérable, car la culture country possède aussi d’authentiques monuments intouchables.
Est-ce dans ce cadre qu’il faut voir la sortie cet automne aux éditions Schortgen, de l’autobiographie de Buffalo C. Wayne, chantre luxem-bourgeois de ce genre, intitulé Büffelherz et sous-titrée Luxemburger Texaner rockt um die Welt, qui ressasse ses souvenirs ?
Buffalo C. Wayne ! Plus de trente ans de carrière dans les circuits country européens et même quelques tournées américaines ; des amitiés aussi prestigieuses que Lyle Lovett, qui l’a surnommé « The European Texan » ; des scènes partagées avec des ténors country comme Kenny Rogers, Dwight Yoakam ou encore Johnny Cash – pas mal pour un petit gars né à Ettelbrück au milieu des années cinquante !
L’ouvrage exhaustif et complet voit le protagoniste et auteur retracer son parcours riche en anecdotes. Richement accompagné de documents photographiques pris toutes époques confondues, toutes les étapes passent tel un journal rédigé au soir d’une vie pleine. Écrites dans un style fort imagé et simpliste, les anecdotes, qui jalonnent son existence ont le souffle épique d’une discussion de comptoir se voulant truculente mais platement macho, sans utiliser les merveilles dont peut ruisseler le langage vernaculaire. Mais n’est pas Gainsbourg qui veut ! Les clichés s’enfilent comme des perles. Ce parti pris de vouloir raconter lui-même par écrit son histoire se veut sincère mais dessert beaucoup son propos, car ses anecdotes et le fil de sa vie auraient pu s’avérer drôles ou touchantes avec une meilleure prise en main stylistique.
D’ailleurs, le fait que cette matière ait bénéficié d’un traitement « déployons le tapis rouge » et que le livre ait été nominé au Lëtzebuerger Buchpräis 2008 dans la catégorie littérature fait grimper aux rideaux et malheureusement, reflète certaines pra-tiques honteuses alors qu’il doit exister des auteurs autrement plus ignorés et beaucoup moins médiatisés, obligés de passer par la case blog pour espérer avoir un éventuel lectorat. Le fait que trois préfaces signés par, pas moins de trois ministres et non des moindres qui ressortent la brosse à reluire en pilotage auto-matique, amplifie ce sentiment que la culture luxembourgeoise et les marchands du temple font bon ménage en se regardant le nombril. La déontologie a des beaux jours devant elle !
N’oublions pas de mentionner que l’ouvrage est accompagné d’un CD de 22 morceaux, dont huit inédits, le reste étant une sélection des meilleurs moments de Buffalo C. Wayne. La country qu’il propose est certes pleine de conviction et son timbre baryton possède une belle patine, mais le vétéran n’évite pas toujours la trempette dans des arrangements qui sentent bon la variété et les redites un peu surannées.
Considéré par certains comme une légende de la country euro-péenne, Buffalo C. Wayne a certes un parcours qui force le respect et une personne qui a pu vivre aussi à fond ses rêves suscite une sincère admiration, voire au moins de l’empathie, mais il est réellement dommage qu’on lui rende hommage d’une façon aussi creuse et ostentatoirement nouveau riche.
Buffalo C. Wayne : Büffelherz – Luxemburger Texaner rockt um die Welt ; Éditions Schortgen, septembre 2008 : 320 pages ; 54 euros ; ISBN : 978-2-87953-054-3 ; www.editions-schortgen.lu