Stakhanoviste de la scène locale, l’italo-luxembourgeois Cico s’active depuis de nombreuses années dans de nombreux projets. Membre fondateur de la Zulu Nation Luxembourg (la maison mère, créée et dirigée par le mythique Afrika Bambataa, prône la prise de conscience et le respect de codes moraux qui constituent la base de la philosophie de la culture hip-hop) ; instigateur du label indépendant 6-Mic Produxion ; mais surtout musicien/rappeur au sein entre autres de Uranami (hiphop scandé en italien), des Allella Boyz ou encore des Fruta Boys, tant d’éléments qui donne un aperçu du bonhomme, jamais avare de son temps quand il s’agit de collaborer avec d’autres musiciens. Pourtant, son dernier fait d’armes est la sortie d’un album solo intitulé Libero Come Erminio.
Album fleuve (18 titres au compteur, tout de même) autoproduit et enregistré par ses soins, Libero Come Erminio fait la part belle aux invités de tous bords, puisque leur nombre est tout simplement pléthorique et chacun vient apporter sa touche personnelle aux compositions du maître de maison. Parmi les plus connus, on pointera les noms de Thorunn, Eric Rosenfeld (de Versus You), Raquel Barreira, Raftside, Corbi (l’un des MCs de DeLäb) ou encore le batteur Jeff Herr. Comme souvent dans ce genre d’entreprises, le bancal n’est pas toujours évité (comme par exemple sur le Why avec Thorunn, languidement égale à elle-même ou l’indigeste Di Te)…
Pour beaucoup, le hiphop transalpin se limite inévitablement à Jovanotti. Mais si on se risque à comparer le sujet de cet article à l’arbre qui cache la forêt, le flow de Cico semble plus énergique et moins débonnaire, le registre vocal plus grave aussi. Autre élément récurrent sur l’album, le jeu de guitare enlevé de Cico, loin d’être un manchot sur une six-cordes. Le ton général de l’album est assez ensoleillé comme le souligne le morceau d’ouverture Libero et ses lignes mélodiques lorgnant vers le continent africain. Plus loin, O Sonho Dele le duo avec Raquel Bareira se colore d’une pointe de mélan-colie tandis que le funkysant Musika s’énerve gentiment. Même démarche sur Chi Sono.
Le tamisé Proteggimi dévoile un Cico croonant, plus doux et réfléchi. Dain Kampf avec Corbi ne réinvente rien, mais se révèle assez plaisante. Les contributions de Eric Rosenfeld sur L’unica Cosa, voire de Filip Markiewitz de Raftside sur We Lost the Tool, voient Cico plutôt s’aventurer sur leurs terres respectives (folk punk nasillard pour le premier, minimalisme détaché pour le second) où les connaisseurs reconnaîtront les tics de composition de chacun se teinter des zébrures italiennes. Le très beau et délicat Principessa se détache vite comme pièce maîtresse de l’album, malgré un placement trop tardif en avant-dernière position. Libero Come Erminio voit Cico se laisser trop de libertés et éviter de faire des choix cruciaux. Un écrémage plus rigoureux aurait peut-être froissé certains participants présents, mais n’aurait pas nuit à la cohérence de l’ensemble.