CD Gathered de Trouble Books

Florilège de tonalités

d'Lëtzebuerger Land du 22.04.2010

Ode à une certaine manière de concevoir l’oisiveté, le précédent album de Trouble Books (The united colors of Trouble Books), nous emmenait dans d’indolents chemins de traverse, où la pop pastorale et rêveuse du combo d’Akron, Ohio dévoilait un charme suranné, mais aussi un laisser-aller parfois coupable. Toujours signé sur Own Records, son successeur intitulé Gathered tones parvient à affiner le propos et à effacer ainsi beaucoup de réserves. À nouveau, Trouble Books a privilégié un enregistrement à domicile, à l’aide d’un homestudio, laissant cependant le soin du mastering au maître actuel des enregistrements ambient US, Taylor Deupree, entre autres guru du label culte 12k. L’affinement se fait surtout entendre au niveau des compositions, mieux construites, évitant judicieusement, cette fois-ci, de terminer en queue de poisson. Mais Trouble Books n’a pas, pour autant, formaté ses chansons dans l’amidon et laisse encore planer cette impression de spontanéité naïve, et ce malgré une gestation qui aura duré huit mois. Tour à tour, les voix de Keith Freund et de Linda Lejsovska s’échangent au fil des morceaux sur un ton rêveur, candide et décalé comme abasourdis par l’atmosphère qui les entoure. Comme autant de mirages, les voix évoluent dans une folie légère fascinante, semblant délirer des suites d’une insolation et s’évadant des mesures métri-ques dominantes. Cependant, ces divagations insouciantes sont très maîtrisées et dévoilent une poésie sonore assez personnelle.

En effet, tout contribue à faire vivre une chaleur moite et presque accablante qui ralentit considérablement la dynamique et l’exécution des morceaux. Grosse chaleur certes, mais propice aux flâneries. Dans ce contexte, elle donne aussi une dimension onirique à cette petite demi-heure d’ambiance bucolique. Onirisme, justement, mis en exergue par le foisonnement des synthétiseurs analogiques, de pianos électriques (le Fender Rhodes qui ouvre Ascending kidney), de boîtes à rythmes désossées et fatiguées (comme sur le court From colfax place ou Tropical islands, Germany) voire d’autres sonorités semblant s’échapper d’un jeu vidéo antédiluvien, qui habillent les morceaux de couleurs rayonnantes. Le folk de Trouble Books en ressort magnifié et transcendé, mais pourtant, la guitare boisée ne s’est pas perdue en chemin. D’ailleurs, elle constitue encore souvent la fondation des morceaux.

En termes d’affinités affectives et musicales, on peut trouver des accointances à Broadcast, Stereolab, Yo La Tengo (dans ses accalmies), Brian Eno (sa série d’albums dans les 70’s) voire à Slowdive (le sens de l’espace du méconnu Pygmalion, deuxième album de ces shoegazers). Comme tous ces noms, à un moment donné ou tout au long de leurs carrières respectives, Trouble Books parvient à sculpter sa pâte sonore avec un habile équilibre entre rigueur du songwriting et une apparente candeur indolente. Évidemment, cette fausse candeur irradie ce disque et risque de faire fondre bien des cœurs d’artichauts autour d’elle.Ce Gathered tones permet donc à Trouble Books de passer à la vitesse supérieure, tout en douceur et sans accident de parcours.

Pour plus d’informations : www.ownrecords.com, www.myspace.com/barkandhiss, www.barkandhiss.com.
David André
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