Aah, les filles, faire la fête et les voitures ! Ces thèmes de prédilection ont longtemps constitué et constituent encore l’une des épines dorsales de beaucoup de paroliers de ces cinquante dernières années. C’est dans ce contexte que le label luxembourgeois Own Records sort son premier album conceptuel ! Des œuvres de Mike Tolan, qui s’est réfugié derrière le presque anagramme Talons’, Songs for babes est un recueil de morceaux dont les titres sont tous des prénoms féminins. Une douzaine de prénoms pour autant de vignettes qui retracent de manière désabusée et directe l’expérience de son instigateur avec la gent féminine sous certaines de ses formes, à savoir jeunes mères, petites amies anxieuses ou encore travailleuses à mi-temps. Cette approche est d’autant plus touchante qu’elle évite soigneusement l’écueil du journal intime écorché et mal torché grâce à un talent écriture et de composition aussi subtil que délicat.
Il faut savoir que Mike Tolan est un membre assez actif de la scène musicale indépendante d’Akron et de Cleveland, dont certains retiendront sa participation dans Six Parts Seven, groupe le plus reconnu du lot, ou son autre projet signé sur Own Records, Trouble Books. Ainsi, comme il affirme sur Myspace : « I feel like too many songwriters are preoccupied with writing something timeless, or stylized. Something that will last with all of the great songs written by like Bob Dylan or Neil Young or whomever, something Dave Matthews will cover someday. I don’t want that at all. »
On se retrouve donc avec un disque de folk un peu lo-fi enregistré sur un laptop dans une chambre, comme le souligne une photo en pochette intérieure. Folk oui, mais teinté d’embrasures ambient intimistes et aériennes, ou encore d’échantillons sonores glanés au gré des bars, des rues, des plages, des autoroutes fréquentés, voire enregistrés de sa chambre studio. Ces éléments contrastent joliment avec le chant clair, humble, émouvant et doucement résigné de Mike Tolan, extrêmement pudique et sincère dans son refus de bomber le torse. Certes, à un moment ou un autre, il viendra pleurnicher sur votre épaule, mais avec dignité, sur la pointe de pieds, sans verser dans le pathétique.
À signaler aussi le refus de Talons’ d’utiliser une structuration classique de ses morceaux en couplets-refrains qui renforce cependant le côté conceptuel de cet album, car il donne un côté « pris sur le vif » à ces Songs for babes où les embellies artificielles ou autres fioritures ne seraient que carences. Sur le fil, cette démarche paraît rébarbative. Mais grâce à des mélodies magnifiques et à des arrangements chaleureux utilisant, entre autres, des pedal steel guitars dilatées, de clarinettes, de glockenspiels, de claviers ou encore un brouillard sonore en delay, sans oublier les bruitages mentionnés plus haut, elle renforce la patine éphémère et spontanée de ces douze instantanés.
Au travers d’une démarche que l’on pourrait rapprocher de Sparklehorse, d’Iron [&] Wine pour cette capacité à draper leur folk de climats divers sans l’alourdir, tout en restant proche d’un minimalisme cher à Will Oldham dans sa composition, Talons’ touche avec ce Song for babes comme les inspiratrices l’ont touché/poussé à écrire ces morceaux.