En provenance de Sydney, Charge Group est la nouvelle signature de Own Records. Cette expansion vers d’autres territoires entraîne également un apport inédit pour la structure luxembourgeoise, qui s’était faite le chantre de l’intimisme rêveur à travers ses dernières sorties. En effet, tout au long de leur Escaping mankind, la formation australienne fait preuve d’une impétuosité que l’on n’avait plus vue depuis longtemps chez Own Records.
Emportées et fiévreuses, les compositions du quatuor distillent une palette d’émotions et de climats savamment variés. Rappelant les meilleures heures du slowcore américain du milieu des 90’s à l’image de Karate, Owen, Red House Painters ou encore Rex, à savoir une musique qui prend son temps, se construisant patiemment, capable de la plus cajoleuse des douceurs, mais aussi d’un romantisme houleux et énergique. Parmi les marques de reconnaissance du quatuor, citons un violon impressionniste qui renvoie à d’autres kangourous du rock, à savoir les Dirty Three et leur western musical, mais aussi une voix fatiguée et traînante. Et c’est autour de ces deux signes distinctifs qu’est appliquée une écriture élégante et élégiaque, où la propension à changer de rythme sans brusquer les choses instaure une dimension proprement cinématique, faisant la part belle aux grands espaces qui évitent soigneusement les terres par trop monochromes.
Dès l’entame de Lunar module, la proximité du chant et les saillies lancinantes du violon vous emportent, tandis que les arpèges de guitares rendent cette lente et imperturbable ascension des plus confortables, tout en éveillant tout un pan d’émotions. Cette propension à éveiller l’épique qui sommeille et tout un chacun, par l’entremise de quelques notes, fragiles ou tendues, est l’un des principaux charmes qui émaillent cet album. Redcoats [&] Convicts développe une fausse sérénité, malgré ou à cause des tacles permanents effectués par les doutes perceptibles dans le chant, qui s’efface pendant le chorus devant la grâce aérienne d’une flûte traversière et d’une batterie tout en légèreté, avant d’aboutir dans un crescendo contrarié.
Plus loin, The contest déroule en maîtrise une ambiance des plus bucoliques tandis que Lullaby for the apocalypse, confessionnal amoureux, se repend en toute quiétude des erreurs passées avant de se cabrer dans un sursaut d’orgueil sonique, déversant ses bourrasques, chacune plus violente que la précédente. Clôturant l’album, Morning of the superheroes traîne la patte avant de développer lentement ses ailes vers une ultime envolée. Les plages instrumentales ne sont pas en reste sur Escaping mankind. Partial glowing irradie de manière indicible une discrète beauté.
L’automnale Speakeasy death song instaure une longue marche de huit minutes qui voit des râles de violon essayer de se défaire des guitares en delay ou jouées en harmoniques sur un immuable rythme de batterie jouée aux pinceaux. Pax #2, quant à lui, joue la carte de l’ambient menaçant et grondant qui se dilate pour mieux se diluer.
On aurait aimé entendre Charge Group se hisser à la hauteur des hérauts du mouvement slowcore, mais l’album n’arrive pas à tenir tout à fait la distance, certains morceaux baissant légèrement de niveau. Mais l’intensité entrevue et envisagée laisse présager d’une formation dominant la scène et qui ne demande qu’à peaufiner la belle maîtrise déjà présente.