Un dessin d’une maison campagnarde, comme il doit en exister mille en ruralité alpestre, orne la couverture du The United Colors Of Trouble Books de Trouble Books, sortie estampillée Own Records. Derrière elle, un semblant de paysage trouble, abstrait, onirique et enfantin. Mine de rien, cette pochette se révèle être un préambule de ce qui va suivre, une fois la lecture entamée.
Un folk lo-fi qui ne crache pas sur les drones, aimant s’enfonçant dans des atmosphères délétères, impressionnistes et lointaines, tandis que les voix oscillent entre une familiarité troublante et un chant mat, comme si les protagonistes avaient l’esprit ailleurs.
Trouble Books nous vient d’Akron, Ohio et cette origine géo-graphique est loin d’être innocente dans l’approche du groupe. En effet, la formation progresse dans des ambiances réminiscentes du climat continental qui règne dans le Middle West des États-Unis, tantôt rugueuses tantôt ensoleillées. Evidemment, ce parallèle prend tout sa pertinence lorsque qu’on apprend que la formation a enregistré ces pièces sonores durant l’hiver où les rares moments de soleil sont pris comme une bénédiction et que cette formation ou encore shitty orchestra, comme les membres s’appellent affectueusement, est composée de voisins et d’amis assistés par un laptop homestudio.
Dès les premières mesures, après quelques légers crépitements, des cuivres et un beat maladif nous entraînent dans des contrées déjà traversées par des maîtres comme Talk Talk ou Hood, où l’espace entre les instruments ou les notes devient un instrument en soi. Ensuite Strelka par l’entremise d’un drone, distend le temps, et les voix mixtes s’installent dans un écrin impressionniste et poétique, qui se refuse à toute notion de rigueur métronomique, véritable hérésie pour tous les tâcherons qui considèrent encore la précision comme seule et unique valeur refuge, une avalanche de clochettes venant clôturer le morceau. Suivent des morceaux (avec e.a. le très beau shaky science) qui prennent d’autres libertés avec le folk de papa par l’entremise des drones somptueux qui prennent peu à peu le dessus des chansons à proprement dites, naviguant à vue mais avec une intime et discrète conviction, tout en utilisant cuivres et cordes à bon escient. L’apesanteur domine, mais une apesanteur languide et paradoxalement lourde, comme un semi sommeil entremaillé de sursauts, provoqué par des rêves se finissant en queues de poisson (certaines compositions en fin de parcours connaissent d’ailleurs le même sort après des débuts pourtant engageants).
Mais, Trouble Books prend aussi un malin plaisir à retourner ses compositions comme un gant, à l’image de for all dead friends, qui sous des débuts bucoliques et mélancoliques, cache un drone de distorsion tapi qui s’étale sur les trois quarts du morceau rappelant les vagues de guitares chères à My Bloody Valentine.