Considéré comme un artiste à suivre par certains, par un mystificateur potache par d’autres, Raftside (Filip Markiewicz), derrière ses lunettes de soleil blanches, gimmick emprunté et rendu à Michel Polnareff depuis belle lurette, continue son bonhomme de chemin. Dernière livraison, ce Disco Guantanamo, recueil de nouvelles et d’anciennes chansons ré-engistrées pour l’occasion. Assisté d’un groupe, qui l’accompagne sur scène, il s’est retrouvé à Bruxelles aux Rising Sun Studios de Rudy Coclet, producteur émérite d’Arno, Mudflow, Dominique A, Sharko, mais aussi d’An Pierlé. Soulignons tout de même l’acoquinement avec un producteur manageur en la personne de Dany Lucas, patron de la boîte d’event management All Access et bombardé au titre ronflant de coproducteur pour cette plaque ; ses seules limites étant les limites des contraintes de ses clients, ici de son poulain.
Évidemment, avec pareil entourage, on peut craindre le pire au niveau ego boursouflé. Ainsi, aux dernières nouvelles, deux membres du groupe ont quitté le navire peu de temps après le bouclage de l’album. Connaissant les enluminures dont Rudy Coclet peut être capable et le relief qu’il peut apporter par son travail de production, son apport est étrangement absent, voire fantomatique (comme le theremin sur Vampire ou la trompette sur Lonely crowd), Raftside sonne toujours comme Raftside, c’est-à-dire comme un gamin qui singe nonchalamment ses idoles devant son miroir, mais il est vrai que certains refrains sont plus produits.
On a droit à du Pixies peu incisif, à du Dylan, dans les intonations nasillardes et dans le stream of consciousness des paroles, malheureusement ici, approximatives. Paroles qui se voudraient sulfureuses, nocturnes et qui dénoncent, voire parodient (poussivement) certaines dérives du starsystem et de la désinformation, tout en se prenant les pieds dedans. Enfiler et réciter un chapelet d’influences issues de la coolitude de ces dernières décennies n’est pas un gage de qualité, loin de là ! Morceaux choisis : « Raftside’s not a local hero said Mister De Niro » sur Taxidriver, ou « I’m nearly dying in the streets but Iggy Pop just gave me speed » sur Win the game.
Le groupe joue ce qu’on lui demande et tout le monde est content ! Or, si la démarche de Raftside était efficace et non dénuée de charme jusque-là, c’était justement par le côté bricolé et lofi d’un gamin en chambrée qui se mettait à rêver de rock’n roll attitude ou à la parodier sciemment, qui s’était adoubé d’un double scénique plus ou moins crédible – jusqu’au moment où la redite a pris le dessus. L’artiste a été en somme rattrapé par sa création, s’est pris d’affection pour ce fonds de commerce, qui l’empêche de réellement avancer, ce qui ne s’arrange pas avec son nouvel entourage ombrageux. Le réenregistrement de ses vieux morceaux renforce d’ailleurs ce constat.
Mais le salut rédempteur arrive à pointer le bout de son nez et semble passer par le dénuement le plus total. Ainsi les morceaux les plus touchants sont ceux où Raftside est seul avec sa guitare acoustique comme sur Disco Guantanamo et A Flower for the Mood, où sa voix de crooner parvient à toucher son cœur de wcible.