Plusieurs cas de figure sont possibles : soit la bande dessinée qui accompagne le nouveau CD de Dream Catcher est sa version papier, soit c’est un artifice soigneusement élaboré qui sert à détourner du contenu du CD. On aurait alors raison d’accuser John Rech d’usurpation. Heureusement, les choses sont un peu plus compliquées que ça. When We Were Young est un premier recueil d’histoires courtes, mises sous forme de comic-strip par l’illustrateur Andy « ND » Genen, qui dépeignent le quotidien de la rockstar luxembourgeoise. Quatorze scènes qui se veulent insolites, et où le ton est celui de l’autodérision (ou de l’auto-lapidation), histoire d’amuser les plus jeunes.
Et encore, sur ce point, ce n’est pas si clair : à quelle tranche d’âge When We Were Young s’adresse-t-il, vraiment ? Le bénéfice du doute pourrait faire croire que l’humour précaire et la simplicité des blagues causeront aux zygomatiques des plus petits de se mettre au travail, si ce n’était pour toutes les références qui pointent ici et là dans chaque deuxième case. Références aux classiques du rock dont, aussi et à juste titre, ceux des T42. John et son fils (Dad [&] Junior), les deux héros de la BD, établissent au fil des dialogues, une liste de « greatest hits » qui, souvent, ne sont connus que des lecteurs d’un certain âge, ceux qui soit, jubilaient, soit cherchaient à saisir l’intérêt d’un She Dances. Avoir vécu les années 1990 devient la condition requise pour comprendre certaines vannes, dont on vous épargnera le mordant.
Ce qui agace, ce n’est pas tant l’extravagance de l’outil promotionnel qu’est cette BD, mais plutôt l’obligation du musicien de se rabaisser dans chaque planche, de se prouver qu’il ne se prend pas au sérieux, tout en insistant sur le fait qu’il a joué avec (ou en première partie) de grosses pointures. Ce double jeu ne sert finalement, pas le propos. Car si When We Were Young est un projet mi-sérieux, conçu entre potes, qui sent fort la nostalgie, c’est avant tout une tentative de nous rafraîchir la mémoire et de nous faire accepter John comme notre Bruel national.
Son On s’était dit… à lui, est la première plage du CD, celle qui prête son titre au projet. entraîné par le piano claudiquant et espiègle de Pascal Schumacher, John se lamente sur le temps qui passe, pleure les colonies de vacances et les châteaux de sable qu’il reconstruit aujourd’hui, à travers les activités de son fils (voir pages 8 et 9). Les trois ballades contenus sur l’EP sont toutes marquées par ce même spleen attaché à la recherche de soi et d’innocence. On ne doute déjà plus du bien fondé de ses actions, pourtant on peine à se faire porter.
Ce n’est là pas un problème qui date d’hier. À quoi est-ce dû ? Tout d’abord à la voix. Si le comic strip se force à être drôle, le chanteur, lui, se force à être émouvant, voire ému, avec chaque nouvel appui des cordes vocales calé sur le même premier temps. Dream Catcher voudrait décoller, mais l’engin semble un peu lourd. Les paysages, on ne les contemple qu’à ras le sol. Autant vous dire que ça ne nous fait pas rêver. Le morceau final, Strings, arrangé par Schumacher et interprété par le Leopoldquartett, est la pièce maîtresse qui représente par sa durée, l’unique minute éthérée du quatre titres.
Le line-up de luxe qui, à côté de Pascal Schumacher, comprend aussi Eric Falchero à l’accordéon et Marc Demuth à la contrebasse, s’amuse plus qu’il ne joue, ce qui est évidemment dommage. Le commandant de bord n’ose-t-il pas tester les eaux troubles? On ne lui en voudra pas, pour autant. De toute façon, le but de John n’a jamais été de faire mouche avec de la musique progressive. Ce n’était pas le cas avec T42, et ça ne l’est pas devenu avec Dream Catcher. When We Were Young promet d’avoir une suite, si possible avec la même bande de copains. Si on sait déjà pour la musique, espérons au moins qu’au niveau des scénarios, ce sera un peu plus étoffé. Si pas pour nous les vieux, au moins pour les enfants.