Avec déjà deux albums au compteur (Smoke Over Ground et Messages en trio), Sermeq fait déjà office de vétéran de la scène électronique luxembourgeoise. Le troisième album intitulé Quotations installe un peu plus le projet solitaire de Claude Michels sur le devant de la liste ambient locale et ce sans faire de vagues. Notons que le bonhomme est aussi actif sur la chaîne radiophonique Ara depuis de nombreuses années. Discret, à l’image de la musique qu’il propose – car il faut bien avouer que l’ambient ne fait que rarement les choux gras dans nos contrées. C’est donc d’autant plus remarquable qu’il s’efforce à affiner un langage et un propos se contrefoutant royalement des tendances, alors que certaines formations locales, et non des moindres, jugent bon de changer de veste musicale aussi souvent qu’une péripatéticienne de trottoir.
Ce Quotations s’apparente donc à un objet hors du temps, complè-tement hors phase par rapport à son époque, désuet, mais aussi (rétro-) futuriste par certains aspects surannés. Et c’est ce qui fait une partie de son charme, dès que l’on fait fi de la course au dernier cri. Ses influences puisant large, on reconnaît des effluves ethniques, new wave, dub voire même quelques scories industrielles tout au long du périple sonique, non sans rappeler aussi Kraftwerk, Tangerine Dream, les premiers Orb, Black Dog d’avant la scission Plaid, ou encore Future Sound of London. Les climats oppressants sont privilégiés, se voient soulignés par des bouts de dialogues de films obscurs et non crédités qui renforcent le côté trip sinueux de l’ensemble et qui servent de fil rouge entre les morceaux.
Quelques invités triés sur le volet émaillent la palette sonore. Ainsi Noémie Leer, chanteuse du groupe de death metal Rude Revelation, se lance sur Precarious dans des vocalises lascivo-gothiques très 90’s sur une base de synthés acides et infectieux très typés. Tandis que Marc Unsen et Gianni Andriani, guitaristes de leur état, étalent leur savoir-faire respectif, contemplatif pour le premier sur deux plages et jazz manouche pour le second sur l’optimiste Ljubljana à la rythmique hiphop sur fond des gouttes qui ruissellent.
Principal point faible, le Deserts s’ensable dans le cliché saharien avec mélodies arabisantes et ambiances de fin d’oued, ne cadrant pas avec le reste de la sombre tessiture qui domine l’album. Mais heureusement, l’album se clôt avec The resuscitation of the burly shrimp man qui, après des débuts aériens sur un groove nonchalant, s’enfonce aux deux tiers dans une ambiance ambiguë entre lumière et désespoir. Autre morceau de choix, Somewhere beyond the dying sun qui vous plonge dans une ambiance de science-fiction défaitiste avant de lancer sa quête des étoiles moroderiennes assez prenantes.Climats variés et cohérents, production soignée quoique figée par moments, le Quotations de Sermeq fait bonne figure dans l’ensemble et risque de combler les amateurs de ce genre de voyage mental, qui, reconnaissons-le, ne sont pas légion.