Est-ce que l’équipe des Rotondes s’est creusé la tête pour imaginer son installation d’été 2018 ? Il paraît qu’au départ, c’était presque une boutade, une idée juste comme ça. Une nouvelle approche du mini-golf (quel titre malheureux pour une approche aussi réussie !) a l’évidence du « mais bien sûr ! »
On pourra donc combiner jusqu’au 26 août découverte de l’art et pratique du mini-golf autour et dans les deux halles du site de Bonnevoie (attention aux heures d’ouverture suivant le festival de concerts d’été Congés annulés), sur des œuvres spécialement imaginées par des artistes qui connaissent bien les lieux pour avoir tous déjà exposé dans la halle à locomotives ou travaillé sur l’ancien site de Hollerich.
Le mini-golf… Ce sera pour beaucoup une découverte mais pour d’autres, comme une petite madeleine de Proust salée, déguisée en « Kéiseschmir » ou « Hâmeschmir », qu’on allait manger avec les grands-parents aux bistrots de campagne… Sauf qu’on trouve sans doute aujourd’hui plus de parcours de golf 18 trous taille XXL au « Petit pays » qu’autrefois il y avait de ces mini terrains de jeu dans les jardins des cafés.
Raison de plus pour, par ce temps estival, aller faire un tour entre amis ou en famille aux Rotondes, et, à l’issue de la partie, savourer une bière ou – évolution écolo oblige du quartier le plus populaire de la capitale – siroter une limonade bio en terrasse, au son d’un concert électro des Congés annulés.
Des clubs, 18 trous. On peut lire les règles du jeu, compter et noter les points dans le livret qu’on vous tend avec l’équipement dont un casque, car le trou n° 9 est une « boucle », figure classique du mini-golf réinterprétée à la verticale par Raoul Gross… On pourrait aussi établir un palmarès des artistes si on voulait pousser l’esprit de compétition jusqu’au bout. Mais ils ont tous été « fair play » : de Filip Markiewicz à Marco Godinho (qui lui succédera à la Biennale de Venise l’année prochaine), Trixi Weis (dont on visitera la scénographie de l’exposition Thierry van Werveke au Pomhaus du CNA), sans oublier Feipel&Bechameil, qui s’auto-citent en reprenant une forme de leur exposition remarquable au Casino, Theatre of Disorder.
Il y autant d’idées qu’il y a d’artistes. L’interprétation du mot « golf » est littérale, conceptuelle, enjouée, détournée. L’énumération qui suit a donc un petit goût de poème à la Prévert ou, si on préfère, d’histoire de l’art surréaliste.
Une voiture du même nom (on ne cite pas de marque) pour Christophe Peiffer, un rail de chemin de fer (on est sur le site de l’ancien entrepôt de chemin de fer) par Trixi Weis, une vague (golf veut dire vague en néerlandais) de Daniel Wagener…
Sur le mirador de Max Mertens, le joueur et la balle prennent de la hauteur, on s’essayera à faire des ronds dans l’eau au bassin imaginé par Stina Fisch. Se défouler au « paintball » est permis par Lucie Majerus : le club est trempé dans un pot de couleur avant d’accéder au trou n° 8…
Le score de Serge Ecker est politique (ou comment marquer les points de la gentrification qui fait monter les prix de l’immobilier de l’ancien quartier populaire), le son est contestataire au trou n° 13 imaginé par Filip Markiewicz où la balle frappe les cordes d’une guitare reliée à un ampli. Quant à savoir si une stratégie de ‘put’ est possible ou pas, impossible avec Doppel-
punkt. L’idée est bien sûr des spécialistes des mots composés, Laurent Daubach et Charles Wennig (Recto Verso au Parc Central du Kirchberg l’été dernier inaugurait cette déclinaison), qui ont imaginé un parcours à deux trous.
Si donc le hasard nous mène du bout du club de golf, autant finir le parcours au trou n° 17 de Laura Manelli : ici, on joue dans le noir, vraiment.