Dix ans Du 5 au 15 mars, le Luxembourg City Film Festival va fêter son dixième anniversaire. Soit l’occasion pour le public autochtone et transfrontalier de rencontrer des jurys prestigieux, de participer à des ateliers d’éducation à l’image, de suivre des master class en présence de professionnels avertis, et de découvrir en salles un vaste panorama de la création cinématographique mondiale. Avec une hausse de vingt pour cent de la fréquentation en salles l’année dernière, l’équipe organisatrice peut aborder sereinement cette nouvelle édition 2020. Ce qui ne signifie pas se reposer sur ses lauriers, bien au contraire. En termes de programmation, une première phase de professionnalisation a ainsi débuté en 2016, avec le recrutement de Christophe Beney et Hendy Bicaise, deux journalistes et historiens du cinéma à l’origine de la création d’une plateforme dédiée aux festivals de cinéma (www.acredit.net). Nommé à la fonction de conseiller artistique, Boyd van Hoeij est venu à son tour apporter son expertise et renforcer le comité artistique en place, constitué d’une dizaine de bénévoles issus des principales instances cinématographiques du Grand-Duché (le Film Fund, le CNA, la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg, etc.). Une professionnalisation du processus de sélection des films inévitable selon le directeur artistique du LuxFilmFest, Alexis Juncosa, étant donné le développement de la manifestation et la nécessité d’être « présent sur les grands événements et de consacrer l’intégralité de notre temps aux visionnages, ce qui est très loin d’être le cas actuellement, tout le monde aidant tout le monde sur tous les aspects de l’organisation. »
Mémorable Parmi les films remarquables au programme de cette dixième édition, signalons tout d’abord Mémorable de Bruno Collet. Nommé aux Oscars dans la catégorie des meilleurs courts-métrages d’animation, ce film réalisé en stop-motion avec des figurines en latex dont l’histoire s’inspire de la vie du peintre hollandais William Utermohlen, offre une réflexion sensible et délicate sur un couple de personnes âgées confronté à la maladie d’Alzheimer. Remportant de nombreux prix à l’étranger, Mémorable sera projeté le samedi 14 mars à 16h30 au Ciné Utopia.
Pinocchio et Benigni Dévoilé il y a quelques jours à la dernière Berlinale, le plus célèbre des puppi en bois revient sous le feu des projecteurs, cinquante ans après le chef-d’œuvre de Monicelli (Les aventures de Pinocchio, 1972). L’auteur du film Gomorra, Matteo Garone, livre à son tour sa propre version du célèbre conte, qu’il a tourné au printemps 2019 dans la campagne toscane, là même où se déroule l’histoire de Carlo Collodi. Mêlant les premiers dessins exécutés par Enrico Mazzanti à la fin du XIXe siècle aux derniers effets spéciaux, le rôle du vieux menuisier Geppetto a été confié à l’immense acteur Roberto Benigni, issu lui-même d’une famille de paysans toscans. La projection unique, proposée en partenariat avec le Festival du Film italien de Villerupt, aura lieu le jeudi 13 mars à 21h au Ciné Utopia. Un retour en enfance bienvenu qui s’adresse à tous les âges !
Ciné-Concert Trop rares au sein des précédentes éditions, les films de patrimoine seront l’objet d’un ajustement musical de la part de Sascha Ley et du trio de l’United instruments of Lucilin. La Cinémathèque de la Ville de Luxembourg se changera en salle de concert le temps d’une improvisation effectuée à partir de trois courts-métrages de la période muette, et non des moindres : Malec chez les fantômes (1921) de Buster Keaton et deux autres raretés exhumés pour l’occasion : La maison ensorcelée (1907) de Segundo de Chomón, et Sauce piquante (1925) de Scott Pembroke et Joe Rock. Une soirée d’épouvante ciné-musicale qui se tiendra le… vendredi 13 à midi. Frissons garantis !
Compétitions Parmi les six documentaires soumis à l’appréciation du jury figure une œuvre singulière, celle entreprise dans le Sahara par le jeune cinéaste Hassen Ferhani. Autour de la doyenne Malika, qui tient un café-relais en plein désert, se pressent de nombreux voyageurs en transit, dont elle recueille les confidences et les anecdotes du monde entier. Mémoire vivante de ces incessants passages, Malika illumine le documentaire de Hassen Ferhani. Primé au festival de Locarno, on pourra découvrir 143 rue du désert les 6, 12 et 13 mars, selon les sous-titrages choisis (en anglais les 6 et 13 mars, en français le 12). Autre film poignant intégré à cette sélection documentaire : Adolescentes, une coproduction franco-anglaise signée Sébastien Lifshitz. Suivant deux amies, Emma et Anaïs, sur une période de cinq années allant de l’adolescence à la majorité, le cinéaste scrute l’évolution de leur relation en regard de leurs différentes conditions sociales, faisant de cette chronique adolescente un portrait politique de la société française.
Présidé cette année par Marjane Satrapi, l’auteure célèbre de Persepolis (2007), le Jury international du LuxFilmFest devra évaluer une dizaine de fictions en compétition officielle. Trois d’entre elles ont retenu particulièrement notre attention : Mosquito du Portugais João Nuno Pinto, qui revient sur le contexte colonial de la Première Guerre mondiale ; Effacer l’historique, du duo comique formé par Benoît Delépine et Gustave Kervern. Après Neruda (2016) et Jackie (2017), Pablo Larraín est de retour avec Ema, film chorégraphique dans lequel jouent Gael García Bernal et Mariana di Girolamo dans le rôle principal.
Une programmation riche qui résulte d’un travail de concertation dont Alexis Juncosa est particulièrement fier : « Pour résumer un sentiment général exprimé par le comité artistique : c’est probablement la programmation la plus excitante et la plus unanime. Il y eut des années plus difficiles où les films que nous voulions n’étaient pas disponibles ou sortaient juste avant le festival, des années ou certains films divisaient beaucoup et s’imposaient au prix du consensus. Je crois pouvoir parler au nom de tous en disant que malgré la fatigue et la lassitude d’un exercice consistant à passer des mois, soirs et week-end, à considérer des œuvres, nous n’avons qu’une hâte : trouver le temps de nous poser en salle pour les revoir tous sur grand écran. »