C’est avec un certain agacement que le service du contrôle externe des lieux privatifs de liberté du médiateur Marc Fischbach a réagi aux réponses fournies par le gouvernement à la centaine de recommandations qu’il avait formulées pour améliorer les conditions de détention au centre pénitentiaire. Car sur la plupart des points soulevés dans ce premier rapport sur les prisons, le ministère de la Justice s’est juste contenté de répondre qu’il avait l’intention de se pencher sur la question, que le problème serait traité dans le cadre de la réforme globale du système pénitentiaire annoncée depuis 2010.
Or, la Justice n’est pas la seule à être mise sur la touche. Beaucoup de questions soulevées concernent aussi la façon dont fonctionne la prise en charge médicale des détenus. Sur ce point, l’administration pénitentiaire s’était toujours félicitée des conventions conclues avec le Centre hospitalier de Luxembourg et le Centre hospitalier neuro-psychiatrique pour montrer à quel point cette prise en charge était bien assurée. À lire les commentaires et recommandations du contrôleur externe, il semble que la coordination et la communication défaillantes (Marc Fischbach parle même de « dysfonctionnements ») entre ces services soit à l’origine de certains manquements.
Un point qui a été soulevé par le contrôleur externe – rejoignant les observations du Comité contre la torture du Conseil de l’Europe (CPT) – concerne par exemple la présence d’un agent de surveillance lors d’examens médicaux de personnes détenues. Une pratique dégradante aux yeux du CPT, mais qui est justifiée par le ministère de la Justice par le fait qu’en cas d’évasion, le responsable de la surveillance risque des poursuites pénales. C’est la raison pour laquelle la direction du centre pénitentiaire préfère être prudente, sauf si le médecin demande à rester seul avec le détenu. Dans ce cas-là, c’est lui qui prend toute responsabilité en cas de fuite. Cette argumentation est appuyée par le ministère de l’Intérieur, qui précise encore que la police « assure la sécurité du détenu, mais assume également une mission de sécurité publique ». Autant ne prendre aucun risque et veiller au grain lorsque le patient se fait analyser. Le contrôleur pense au contraire que la sécurité peut aussi être assurée en surveillant les issues, que la présence du gardien devrait donc être l’exception, lorsque le médecin en fait la demande. C’est pareil pour la pratique d’attacher systématiquement les détenus malades au lit d’hôpital, de les menotter et les faire surveiller par deux agents. Autant installer des chambres sécurisées pour les détenus dans les hôpitaux. La consigne adressée aux médecins qui leur interdit strictement de parler avec les détenus d’autres sujets que leur état de santé est aussi exagérée, selon le médiateur, qui plaide pour plus de bienveillance dans les rapports humains.
Pour plus de respect aussi, concernant l’attitude du personnel pénitentiaire vis-à-vis des prisonniers. Il propose même d’introduire des sanctions pénales dans la loi. Une recommandation exagérée, selon le ministère de la Justice, qui met en garde contre une « sur-pénalisation », notamment pour un simple tutoiement des détenus. D’accord pour les relations amicales qui engendrent plus de familiarité, répond le contrôleur externe, mais « il en est autrement dans l’écrasante majorité des autres cas où l’emploi du tutoiement est clairement utilisé à des fins non désirables, notamment pour exprimer une position de supériorité par rapport au détenu. » Il s’agit là avant tout de sanctionner « le manque quotidien de respect, les petites brimades, le comportement insidieux » de certains gardiens.
C’est donc une question de respect de la dignité de toutes les personnes présentes au centre pénitentaire – du personnel de l’administration pénitentiaire aussi. Or, que valent, dans un contexte d’« agissements chicaniers », les quelques heures de formation académique en matière de droits de l’homme ?