Le petit bateau en détresse sur les eaux sombres de la mer Noire a été intercepté par la Garde côtière roumaine dans la nuit du 12 septembre. À son bord, 157 migrants syriens et irakiens, dont 56 enfants emmenés par leurs parents désespérés en Roumanie aux confins orientaux de l’Union européenne (UE). « La mer était très agitée avec des vagues de deux à trois mètres de haut, affirme Cristian Cicu, l’adjoint de la Garde côtière de Constanza, port de la mer Noire situé à l’est de la Roumanie. Ces personnes se trouvaient dans une situation très dangereuse et couraient le risque de se noyer ou de voir l’embarcation couler. »
Les plages arides du littoral roumain et une mer dangereuse font que la mer Noire n’a jamais attiré les foules. Mais depuis le mois d’août, elle est devenue attractive pour les candidats à l’immigration car de plus en plus d’obstacles se dressent sur la Méditerranée, dont l’interdiction faite aux ONG de patrouiller au large de la Libye pour les secourir. Mais le littoral roumain ne rebute pas les migrants. Ce n’est pas pour faire du tourisme qu’ils viennent en Roumanie. Ils veulent aller vers l’Ouest en quête d’une vie meilleure. Ils viennent en majorité de la Syrie, de l’Irak, du Pakistan et de plusieurs pays africains. Le bateau intercepté par la police roumaine des frontières dans la nuit de mardi est le cinquième qui échoue sur le littoral de la mer Noire depuis la mi-août.
La Roumanie ne fait pas partie de l’espace Schengen de libre circulation, et jusqu’aujourd’hui, le ce pays avait été ignoré des migrants. À leur arrivée ils doivent faire une demande d’asile et ont l’interdiction de s’installer dans un autre pays avant que leur demande ne soit acceptée. Si la Roumanie n’est pas un pays aussi attractif que les pays de l’Europe de l’Ouest, elle peut être un trajet alternatif pour entrer sur le territoire de l’UE. « Les petits bateaux ne peuvent pas circuler facilement sur la mer Noire, a déclaré le président roumain Klaus Iohannis. Mais en cas de nouvelles tentatives nous sommes prêts à agir pour empêcher qu’une nouvelle route migratoire s’ouvre sur la mer Noire. »
Les migrants ne sont pas les bienvenus en Europe de l’Est. Les pays du groupe de Visegrad – Hongrie, Pologne, République Tchèque et Slovaquie – s’opposent fermement à une installation sur leurs territoires. Le 6 septembre, la Cour de Justice de l’UE a retoqué la totalité des arguments du groupe de Visegrad qui avaient montré leur hostilité à la politique migratoire de l’UE en votant contre ces quotas en septembre 2015. Le commissaire européen aux migrations, Dimitris Avramopoulos, a immédiatement entériné cette décision. « La Cour de Justice de l’UE confirme que le mécanisme de relocalisation est valide, a-t-il déclaré. Il est temps de travailler dans l’unité et de mettre pleinement en œuvre la solidarité. » À quelques semaines de l’échéance du plan fixée fin septembre, les objectifs concernant les quotas de « relocalisation » sont loin d’avoir été atteints. Moins de 28 000 personnes ont été transférées depuis la Grèce et l’Italie en Europe de l’Est sur un objectif initial de 160 000.
Le discours sur l’avenir de l’Europe du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker tenu le 13 septembre est tombé à pic dans ce clash entre l’Est et l’Ouest de l’Union européenne au sujet des migrations. « L’Europe est et restera le continent de la solidarité où doivent pouvoir se réfugier ceux qui sont poursuivis pour des raisons inacceptables, a-t-il affirmé lors de la séance plénière de la Commission. Nous avons des frontières communes, mais les États qui sont en première ligne du fait de leur situation géographique ne doivent pas être les seuls responsables de leur protection. Frontières communes et protection commune doivent aller de pair. Si nous voulons renforcer la protection de nos frontières extérieures nous allons immédiatement ouvrir l’espace Schengen à la Bulgarie et à la Roumanie. Nous allons également travailler à l’ouverture de voies de migration légales. La migration irrégulière ne s’arrêtera que lorsque les migrants auront d’autres choix que d’entreprendre un voyage périlleux. L’Europe s’étend de Vigo en Espagne à Varna en Bulgarie. De l’est à l’ouest l’Europe doit respirer avec ses deux poumons. Sinon notre continent risque l’asphyxie. »
En septembre 2015, la Commission européenne avait proposé à la Roumanie d’accepter un quota de 4 180 migrants. Un chiffre important pour un pays qui ne dispose que de six centres de réfugiés de 1 500 places chacun. Dans un premier temps, Bucarest avait accepté de recevoir 1 700 migrants sur le territoire roumain, mais en août dernier, les autorités roumaines ont revu ce chiffre à la hausse. « Nous avons déjà accueilli 700 réfugiés et nous sommes prêts à prendre en charge 1 942 réfugiés de plus », a confirmé le ministre des Affaires étrangères, Teodor Melescanu. Entre-temps la pression migratoire sur la mer Noire n’a cessé d’augmenter. « La mer Noire est plus difficile à traverser avec des petits bateaux que la Méditerranée, a déclaré Krystztof Borowski, représentant de Frontex, la police européenne des frontières. Il est possible que les trafiquants testent une nouvelle route sur la mer Noire. Nous surveillons de près cette situation. » Les migrants aussi.