Une comédie sur le conflit israélo-palestinien est un pari aussi intriguant qu’ambitieux. Tel Aviv on Fire, co-produit par la compagnie luxembourgeoise Samsa Film, relève le défi et part avec une prémisse originale.
Salam (Kais Nashif), un jeune homme habitant Jérusalem, est embauché par son oncle (Nadim Sawalha), producteur du feuilleton Tel Aviv on Fire, tourné à Ramallah, en Cisjordanie. Tous les matins, il doit passer au poste de frontière pour se rendre au travail. Attirant l’attention d’Assi (Yaniv Biton), un officier israélien, il fait croire à celui-ci qu’il est le scénariste du soap opera très populaire des deux côtés. Pour marquer son autorité et impressionner son épouse (Shifi Aloni), également fan de la série, Assi se mêle alors de plus en plus de l’intrigue, racontant l’histoire d’amour entre un général israélien (Yousef Sweid) et une espionne palestinienne (Lubna Azabal). Lorsqu’il va même jusqu’à vouloir imposer la fin de la saison, la situation se complique pour Salam, entretemps réellement promu au poste de scénariste.
Entre les passages à la frontière, les brèves rencontres avec son ex-copine (Maisa Abd Elhadi) qu’il cherche à reconquérir et les séquences sur le plateau de tournage, le scénario de Tel Aviv on Fire (le film et non pas le feuilleton) se met vite à l’aise dans ses rituels. Les matières à rire, comme l’amour d’Assi pour le houmous, sont parfois un peu trop téléphonées à travers la structure apparente de l’intrigue. Le flegme de Kais Nashif dans la peau de Salam, le looser sympathique, qui demande des conseils à tout le monde pour faire avancer le scénario du feuilleton, est un des grands ressorts comiques du film dont les punchlines efficaces sont finalement limitées en nombre et les personnages secondaires, comme le co-scénariste (Amer Hlehel) ou l’oncle de Salam, restent souvent unidimensionnels.
La prouesse de Tel Aviv on Fire réside dans la mise en abîme des à prioris et des attentes du conflit politique à travers la production et la consommation d’un feuilleton kitsch. Obnubilés par les revirements constants et la vie éternelle qu’ils garantissent à cette histoire à l’eau de rose, les spectateurs de chaque côté du mur frontalier s’immergent à cœur joie dans la fictionnalisation de leur quotidien. Les créateurs quant à eux osent avancer à petits pas vers de nouvelles possibilités de résolution de l’histoire avec un grand et un petit H. Le flirt avec la réconciliation est bien tentant, mais le réalisateur et co-scénariste Sameh Zoabi sait aussi freiner l’enthousiasme de ses personnages.
Son exploit de ramener la fierté de deux peuples à ses plus petits dénominateurs communs, s’efforce à rester dans des limites prudemment optimistes. Entre autres lauréat du prix Orrizonti du meilleur acteur à la Mostra de Venise, Tel Aviv on Fire a suivi une belle carrière dans les festivals et a également été projeté à la remise des prix de l’édition 2019 du Luxembourg City Film Festival.