Je vis et je travaille au Monténégro depuis novembre 2000. Depuis lors je me suis maintes fois demandée comment expliquer la réalité du Monténégro aux gens qui n'ont jamais visité cette région. Longtemps je me sentais incapable d'écrire sur le Monténégro. J'avais l'impression de me retrouver dans une situation pareille à celle qu'Antoine de Saint-Exupéry décrit dans Le Petit Prince, lorsque le Petit Prince lui demande de lui dessiner un mouton.
D'abord, il n'y a évidemment pas une seule réalité au Monténégro, mais il y en a plusieurs qui contrastent souvent fortement l'une avec l'autre. Mais plus essentiellement, j'avais peur que les mots ne soient pas un moyen approprié pour transmettre ce que je voyais. Écrire aurait en effet présupposé un double acte de traduction, un premier, lorsque j'essaierais, moi, de traduire des impressions du quotidien en mots, le deuxième, lorsque le lecteur ou la lectrice essayerait de donner un sens à ces mots.
J'ai donc pensé qu'il conviendrait plutôt de prendre une caméra vidéo ou un appareil photographique pour permettre aux intéressés de voir de leurs propres yeux à quoi équivaut la vie au Monténégro. Cette idée s'est concrétisée avec la visite de Martin Linster au Monténégro. Pendant une semaine nous avons essayé de documenter en photos la réalité politique, économique et sociale du pays. Aujourd'hui, on me demande de donner un sens aux images. Mes mots seront donc en quelque sorte des sous-titres qui accompagnent les photos.
Qu'est-ce que le Monténégro ?
D'abord, le Monténégro est un pays plein de contrastes : Le visiteur qui se rend pour la première fois à Podgorica, la capitale du Monténégro, sera étonné de voir tous ces jeunes gens habillés au dernier chic, passer leurs après-midi sur les terrasses des nombreux petits cafés. Il sera aussi frappé par la forte présence de grosses cylindrées, de Mercedes neuves, d'Audi, de voitures de sport et même, plus rarement, il est vrai, de Jaguar. Le Monténégro ne serait donc pas seulement un pays où il fait bon vivre, mais même une enclave de prospérité dans les Balkans ?
Ces impressions se relativisent rapidement pour celui qui quitte les quelques rues qui font le centre de Podgorica. À quelques mètres de la grande place, qui a un charme comparable à celui du Glacis, quelqu'un a marqué : « Around here urban is rural » et encore quelques mètres plus loin on peut lire : « Podgorica Cambodia City. »
À vrai dire, il ne faut même pas quitter le centre pour être confronté à des formes de pauvreté extrêmes. À tous les coins de rue campent les revendeurs de cigarettes de contrebande et de CDs piratés. Sur la grande place des enfants Roms se reposent de leur travail, la mendicité auprès des automobilistes qui s'arrêtent aux feux rouges. Tous les cents mètres sont assises des femmes Roms tenant des enfants dans leurs bras, réclamant dix Pfennigs pour l'achat de pain et de lait. De petites vieilles, des réfugiées serbes du Kosovo, préfèrent faire le porte à porte. Ou encore les Roms qui fouillent les poubelles à la recherche de quelques déchets recyclables, qu'ils transportent, pareils à des fourmis, sur leurs attelages de chevaux vers Konik, un quartier désaffecté dans la banlieue de Podgorica, où ils ont trouvé un refuge temporaire.
Et puis, plus loin du centre, sur les marchés de la ville, les vieilles des villages qui essaient de vendre quelques fruits ou légumes, des carcasses de voiture abandonnées au bord des rues, des façades délabrées, les trottoirs et les rues jonchées de trous, qui, lors des fortes pluies ne parviennent plus à évacuer l'eau, des animaux domestiques, vaches et chèvres, qui paissent au bord de la rue, encore plus loin, les baraques qui servent de lieu d'habitation aux nouveaux venus.
Contrastes aussi entre la côte, où la vie apparaît presque normale, comme dans n'importe quelle station balnéaire en Grèce ou au Portugal, si on fait abstraction des foyers et campements qui accueillent les réfugiés et IDPs, les internally displaced persons, réfugiés du Kosovo ; Podgorica, qui malgré tout grouille de vie, et le Nord, une région délaissée depuis toujours, où le passage du temps ne semble avoir aucun autre effet que celui de faire vieillir.
Que se cache-t-il derrière ces images ?
Le Monténégro, la plus petite république de l'ancienne Yougoslavie, et qui déjà de ce temps-là, dépendait des transferts en provenance des républiques plus prospères, est aujourd'hui un pays sous perfusion.
Il y a d'abord l'aide humanitaire à destination des 32 000 IDPs du Kosovo et des 14 500 réfugiés de Bosnie et de Croatie, qui restent des dizaines de milliers de réfugiés que le Monténégro a accueilli lors des conflits en Yougoslavie, ainsi que des cas sociaux estimés à entre 55 000 et 200 000 personnes. D'après les comptes faits par l'Office des Nations Unies pour l'Aide humanitaire le Monténégro a reçu l'année dernière 96 000 000 DM en tant qu'aide humanitaire.
À cela il faut ajouter près de 143 000 000 DM pour l'appui du système social. En 2000 la Communauté Internationale, en premier lieu les Etats-Unis et l'Union Européenne ont versé 108 500 000 DEM au gouvernement du Monténégro pour lui permettre de couvrir son déficit budgétaire (140 000 000 DM en 2000, environ onze pour cent du PIB). Ces transferts ont permis au gouvernement monténégrin de subvenir à ses obligations envers ses citoyens, comme par exemple le payement des retraites.
L'industrie du pays est en ruines. Il n'y a que peu d'entreprises industrielles qui travaillent et cela avec des capacités fort réduites. En 2000, il n'y aurait que l'Aluminium Kombinat aux portes de Podgorica, qui aurait enregistré une faible hausse de la production, tandis que toutes les autres entreprises se seraient trouvées en recul par rapport à l'année précédente, qui était, il convient de le rappeler, celle des bombardements de l'Otan.
Sur une population totale estimée à environ 650 000 personnes, on compte près de 85 000 chômeurs. Le UN OCHA, l'Office des Nations Unies pour l'Aide Humanitaire estime que 27,4 pour cent de la population totale est sans emplois. Environ 83 000 personnes sont à la retraite, ce qui fait 19,2 pour cent de la population adulte. 113 542 personnes ont été comptées parmi la population active. Dans le Nord, moins de 30 pour cent des adultes ont un emploi formel. Si on fait la moyenne, on peut dire que chaque personne qui a un emploi doit subvenir aux besoins de quatre autres.
Encore faut-il relativiser ces chiffres, puisque le fait d'avoir un emploi ne signifie pas nécessairement que ces gens travaillent. Dans cette catégorie figurent aussi ceux pour qui les sociologues ont trouvé ce joli euphémisme de « waiting workers », c'est-à-dire des personnes qui se trouvent toujours sur les fiches de paie des entreprises, mais pour lesquelles il n'y a pas de travail, et qui sont donc en vacances forcées.
Sur cette base, le UN OCHA estime qu'il faut considérer dix pour cent des personnes ayant un emploi comme des personnes sans emploi. Beaucoup de jeunes n'obtiennent aucune chance d'entrer sur le marché du travail. Aussi faut-il savoir qu'être employé ne signifie pas nécessairement percevoir un salaire régulier. Les délais de payements sont fréquents et peuvent porter sur plusieurs mois.
Le salaire mensuel moyen est actuellement à 206 DM (mars 2001). Le salaire minimum qui a été augmenté en 2000 est aujourd'hui de 80 DM. Un retraité reçoit en moyenne 170 DM. Pour donner tout leur sens à ces chiffres, il convient de les mettre en relation avec le coût de quelques produits de base. Le pain, dont le prix reste fixé par l'État, revient à 60 Pfennig, un litre de lait coûte 1,20 DM, le prix du litre d'essence super 1,50 DM. Pour s'approvisionner rien qu'en produits de base, c'est-à-dire des aliments et des produits d'hygiène essentiels un ménage de quatre personnes doit dépenser 280 DM par mois (WFP Shopping Basket, March 2001).
Face à ces chiffres l'économie informelle prend toute son importance : Pour 40 pour cent des ménages au moins un membre est impliqué dans « l'économie grise ». Celle-ci consiste surtout dans le commerce de produits de contrebande ou piratés. Ces activités sont généralement tolérées par les autorités. En effet, la paix sociale serait menacée si le pouvoir politique tentait d'enrayer l'économie informelle. Son poids est estimé à entre 30 et 60 pour cent du PIB.
Dans un document non encore publié d'une organisation internationale on peut lire : « Most households survive thanks to assistance from relatives and employment in the grey economy. Households without such possibilities (estimated to one quarter of the population) may be considered as extremely poor. » Le UN OCHA estime que 60,6 pour cent de la population du Monténégro se retrouvent au seuil de la pauvreté. L'organisation a pris comme critère le fait de toucher des revenus inférieurs à 200 DM. Au Nord, où la situation est encore bien plus difficile, 42,1 pour cent de la population vivent en dessous du seuil de la pauvreté.
J'ai évoqué au début le fait que le Monténégro a accueilli un grand nombre de réfugiés et d'IDPs du Kosovo. Si leur nombre a fortement décru depuis juin 1999, lorsqu'il se portait à 117 000 personnes, il n'en reste pas moins que 14 418 réfugiés de Bosnie et de Croatie de même que 32 040 IDPs du Kosovo vivent toujours au Monténégro. (Commissariat for Displaced Persons, 22.11.00) C'est-à-dire que les réfugiés et IDPs font toujours 7,44 pour cent de la population totale du pays. Ce pourcentage varie fortement de municipalité en municipalité. Si on ne tient compte que des IDPs, ils constituent 20,53 pour cent de la population à Andrijevica et 14,73 pour cent à Berane dans le Nord du Monténégro.
Sur le littoral, la municipalité de Bar compte 18,85 pour cent d'IDPs ; Budva 16,24 pour cent ; Herceg Novi 13,37 pour cent ; Tivat 15,67 pour cent. Ce haut pourcentage de réfugiés et d'IDPs ne va pas sans poser de problèmes pour un pays qui est économiquement en ruine et où les relations entre les différentes communautés ethniques sont loin d'être sans conflits.
Face à la persistance et la recrudescence même des violences contre les minorités, personne n'envisage actuellement un retour des IDPs (Serbes, Monténégrins, Roms etc.) vers le Kosovo. Les organisations internationales, à savoir le UNHCR et l'OSCE déconseillent le rapatriement de représentants de minorités vers cette région. Quant aux réfugiés, 55 pour cent se sont prononcés contre un retour vers leur lieu d'origine. Or, leur situation au Monténégro est loin d'être stable, ne serait-ce que parce qu'ils ne peuvent que difficilement obtenir la nationalité monténégrine qui leur permettrait de s'établir définitivement.
Les organisations internationales se préoccupent davantage du sort des IDPs, parmi lesquels un grand nombre de Roms. Beaucoup d'entre eux vivent dans des logements collectifs comme les deux camps Konik I et II à Podgorica qui abritent environ 2 000 personnes, et dépendent de l'aide humanitaire. En 2000, 47 500 d'IDPs, de réfugiés et de cas sociaux locaux recevaient une aide alimentaire du World Food Program des Nations Unis. Or au fur et à mesure que le Monténégro tombe en désuétude, l'aide internationale décroît. L'Union Européenne mettra fin son programme d'aide humanitaire ECHO dans le courant de cette année, un grand nombre d'ONGs sont déjà parties ou envisagent leur retrait.
L'été dernier j'ai réalisé pour Caritas une étude qui portait sur les conditions auxquels seraient exposés les réfugiés monténégrins lors d'un éventuel rapatriement vers leur pays. Pendant les dernières semaines j'ai recontacté un certain nombre de personnes que j'avais interviewées pour cette étude et je leur ai demandé ce qu'il conviendrait de dire aujourd'hui à ce sujet. Les réponses ont été pratiquement unanimes : On m'a dit que la situation n'avait pratiquement pas changé, sauf que le danger d'une intervention militaire de la part des autorités fédérales avait disparu avec le départ de Milosevic, ce qui constitue bien évidemment un changement considérable.
Autre changement important : La Chambre fédérale yougoslave a voté au mois de février une loi d'amnistie qui exempt de punition tous ceux qui se sont soustrait au service militaire pendant la période du 27 avril 1992 au 7 octobre 2000. Ce qui veut dire que les déserteurs ne craignent plus d'être arrêtés et emprisonnés en Serbie.
Ce qui reste plus ou moins inchangé, avec des nuances, c'est la situation économique et sociale que je viens de décrire.
En ce qui concerne la situation politique, un certain nombre de changements sont intervenus depuis : La chute de Milosevic n'a pas été suivie par une véritable amélioration. Pour des raisons qu'il serait trop long d'analyser ici, le principal parti du gouvernement, le DPS, a embrassé avec encore plus de détermination le but de l'indépendance. Ceci a eu comme résultat l'éclatement de la coalition gouvernementale au mois de décembre 2000 et la tenue au mois d'avril d'élections législatives anticipées. Le scrutin a révélé une forte polarisation dans la population, les forces pro-yougoslaves et les forces indépendantistes étant presque à égalité.
Vu l'existence de plusieurs options arithmétiques pour la recomposition du gouvernement et étant donné les intérêts engagés de tous les côtés, les pourparlers entre les différents partis ont été longs et difficiles et ne se sont terminés que la semaine dernière. Mardi dernier (22 mai) a été annoncé la formation d'un gouvernement minoritaire, formée uniquement par la coalition électorale du DPS avec les sociaux-démocrates, qui serait toléré par les Libéraux. Ces deux formations politiques ont des intérêts politiques fortement divergents sur certaines questions-clefs, ce qui laisse présager que le nouveau gouvernement aura des difficultés à gérer les affaires du pays. Certains estiment même qu'on doit s'attendre à de nouvelles élections anticipées.
À cela s'ajoute que les élections ont apporté une nouvelle preuve de l'existence de tensions parmi les différentes communautés ethniques. Le principal parti de l'opposition, le SNP, a basé sa campagne sur la rancoeur qui existe à l'encontre des minorités bochniaques et albanaises.
Au niveau régional, la situation s'est profondément détériorée dans le courant des derniers mois, depuis le début des attaques d'indépendantistes albanais en Macédoine, les affrontements dans le Sud de la Serbie, la forte recrue de la violence au Kosovo, et la nouvelle vague de nationalisme qui touche la Herzégovine de même que la Republika Srspka en Bosnie. Dans un environnement qui est marqué par la suspicion envers d'autres groupes ethniques, ces événements contribuent à revivifier les tensions.
La question de l'indépendance du Monténégro en soulève une autre, à savoir celle du sort du Sandjak, une région qui est à cheval des deux côtés de la frontière entre la Serbie et le Monténégro et d'où viennent un grand nombre de Monténégrins qui vivent actuellement au Luxembourg. Si le Monténégro devenait indépendant, le Sandjak serait divisé par une frontière internationale, ce qui explique pourquoi une partie de l'élite politique bochniaque s'oppose à l'indépendance du Monténégro. Certains envisagent que l'indépendance du Monténégro devra entraîner l'indépendance du Sandjak pour éviter son écartèlement.
Dans les circonstances actuelles, il ne faut guère s'attendre à une reprise de l'activité économique. Les investisseurs potentiels attendront de voir la question du statut du Monténégro résolue avant de prendre un quelconque engagement, comme le font beaucoup de gouvernements étrangers qui attendent de connaître définitivement les partenaires avec lesquels il faudra négocier.
Or, même si ces problèmes étaient résolus, il ne faudrait pas s'attendre à une rapide reprise économique et encore moins à ce que le pays parvienne à offrir un niveau de vie acceptable à la grande masse de sa population. Le gouvernement monténégrin mise surtout sur le tourisme, qui est une activité saisonnière, dont le redémarrage ne présupposera non seulement une certaine stabilité politique, mais aussi des investissements considérables. Des experts internationaux estiment que l'agriculture à petite échelle, puisque les terres cultivables sont rares, pourrait constituer une chance pour le Monténégro, mais nul ne doute que le Monténégro reste un pays pauvre et donc une terre d'émigration.
Lorsque je lui ai demandé, comment il voit l'avenir du Monténégro, un expert travaillant pour une organisation internationale m'a répondu que les gens ne mourront pas de faim, mais que le Monténégro restera un pays pauvre. On considère surtout que les perspectives économiques du Nord sont très limitées et que cette région se videra de ses habitants qui ne partent non seulement vers l'étranger, mais aussi vers le centre du pays et vers la côte, où ils ne sont pas vraiment les bienvenus.
Il est aussi à craindre que dans un avenir tout proche les conditions de vie se détériorent une fois de plus, après une décennie marquée par la crise économique. L'aide internationale va encore diminuer, ce qui est d'une part le résultat du fait que le Monténégro et la crise des réfugiés ne fait plus la une de l'actualité, d'autre part, dû au fait que la communauté internationale a radicalement changé son approche envers le Monténégro depuis les changements politiques intervenues en Serbie. Selon un article publié dans le magazine Monitor les États-Unis, qui ont versé jusqu'à présent environ 50 millions de Dollars au Monténégro, n'en prévoiraient plus que 20 millions qui feraient en plus partie d'une enveloppe commune pour la Serbie et le Monténégro, donc la Fédération yougoslave.
Le passage annoncé d'une politique d'aide d'urgence devant l'arrivée de milliers de réfugiés vers une politique de développement n'a pratiquement pas lieu. Le gros de l'aide internationale visera à l'avenir la réforme du cadre institutionnel, c'est-à-dire aussi bien des institutions que des lois et dispositifs réglant la société. Ces réformes s'imposent certes si le Monténégro doit un jour développer une économie viable et un système social adapté aux besoins. Or le solde en termes d'emplois sera sans doute insignifiant à court et même à moyen terme, sinon même négatif.
J'ai évoqué le fait que l'aide internationale diminue, les organisations internationales misent actuellement sur le développement de l'autosubsistance, ce qui ne pourra pourtant pas constituer une alternative pour les groupes vulnérables. Le gouvernement monténégrin libéralisera sans doute dans le courant de cette année certains prix comme celui de l'électricité et mettra fin aux subventions des produits de base comme par exemple du pain. Ceci entraînera une augmentation du coût de vie qui affectera particulièrement les classes les plus pauvres de la société.
On s'attend aussi à ce que les privatisations se soldent par une nouvelle augmentation du taux de chômage. La confédération monténégrine des Syndicats Indépendants estime que
20 000 personnes travaillent pour des entreprises qui sont en réalité en faillite ou font partie d'un trop-plein technique. Ces gens seront sans aucun doute licenciés.
Dans ce contexte, rapatrier des réfugiés vers le Monténégro, c'est les renvoyer vers un avenir plus qu'incertain. Il est tout à fait probable que ceux qui en auront encore la force feront tout leur possible pour quitter à nouveau le Monténégro, sans doute pas pour revenir au Luxembourg, mais pour se rendre dans un autre pays. Si les autorités monténégrines ont déclaré qu'elles seraient disposées à réadmettre sur le territoire du Monténégro toutes les personnes qui sont originaires de ce pays, il faut savoir que là-bas personne ne les attend, qu'ils se verront exposés à la jalousie et aux animosités de leur entourage, qu'ils retrouveront au Monténégro une situation qui est par bien des aspects pire que celle qu'ils ont quittée.
Aujourd'hui, alors que la menace sécuritaire est levée - même si on ne peut exclure des actes de violence motivés par la jalousie envers ceux qui sont partis chercher une vie meilleure de même que l'arbitraire des forces de l'ordre - le sort des Monténégrins nous confronte à une série de questions politiques à savoir, en premier lieu celle à savoir si nous avons notre petite part de responsabilité à porter dans les crises qui ont fait basculer l'Ex-Yougoslavie et qui continuent s'abattent toujours sur cette région ?
Ensuite, il faut se demander si nous pouvons renvoyer des gens qui sont venus s'abriter chez nous dans une situation tellement marquée d'incertitudes, rien que pour des raisons de principe ? Je laisserai ouverte au débat la première question. Après six mois passés au Monténégro ma réponse à la deuxième question est non.