À peine 24 heures après l’annonce de la démission du président kazakh Noursoultan Nazarbaïev, le 19 mars dernier, le président par intérim, Kassym Jomart Tokaïev, proposa que la capitale futuriste du pays, Astana, soit renommée Noursoultan. Selon l’agence de presse officielle Kazinform, le parlement vota la loi à l’unanimité.
Même démissionnaire, Nazarbaïev reste l’homme fort du pays. Malgré les problèmes de santé qui semblent être la cause de sa démission après 28 ans au pouvoir, il se maintient à la tête du parti Nur Otan (Nation lumineuse) qui domine le parlement, et reste membre du Conseil constitutionnel et président-à-vie du Conseil de sécurité. Lors de son adresse télévisée annonçant sa démission, il ne manqua pas de rappeler que le parlement l’avait également gratifié du titre honorifique de « leader de la nation », lui garantissant l’immunité judiciaire à vie.
Vue la nature oligarchique du régime kazakh et les nombreux remous que causent la démission de Nazerbaïev, cette garantie pourra s’avérer bien utile. Rakhat Aliev, l’ex-mari de la fille du président
Dariga Nazarbaïeva, avait eu le malheur de critiquer l’autoritarisme de son beau-père en 2007, alors qu’il était ambassadeur du Kazakhstan à Vienne. Erreur fatale pour cet homme fort du régime qui fut lâché par la famille présidentielle, forcé de divorcer et poursuivi au Kazakhstan pour diverses affaires de corruption. Il fut finalement arrêté à Vienne, accusé d’avoir organisé l’enlèvement et le meurtre de deux hommes d’affaires kazakhs. Il se suicida en prison en Autriche en 2015.
Les déboires conjugaux de Dariga Nazarbaïeva semblent aujourd’hui être le principal obstacle à sa prise du pouvoir. Sa richesse personnelle est en grande partie le produit de l’empire médiatique et financier qu’elle avait construit avec son époux, un flagrant rappel de la nature du régime kazakh. Présidente du Sénat depuis la démission de son père, elle a de par le passé tenté de se distancer de lui, critiquant son despotisme dans des termes à peine voilés, mais non pas son népotisme.
Une anecdote, remontant à seize ans, semble ici assez significative. Lors du deuxième Eurasian Media Forum à Almaty en avril 2003, Nazarbaïeva, présidente du Forum, fit l’éloge de la liberté de la presse et de ce qu’elle appelait le « journaliste-philosophe », qui ne se contente pas de relayer l’information, mais l’analyse et en tire des conclusions. Personne n’était dupe, mais au lendemain de l’invasion américaine de l’Iraq, tout appel à l’ouverture d’esprit et au dialogue entre les peuples semblait positif. Plus tard lors du repas officiel, à la table présidentielle, pontifes du régime, diplomates et invités de marque levaient leurs verres à la bonne santé de Nazarbaïev et remerciaient sa fille pour son hospitalité lors de l’inévitable rituel des toasts. Puis vint le tour d’un représentant d’une association de journalistes russes qui leva son verre à la liberté de la presse. Sans plus. Un silence assourdissant envahit la table. Le silence fut brisé par Dariga Nazarbaïeva qui se leva et ajouta : « Et à ta santé aussi, Papa. »