Union européenne/États-Unis

Transparence fiscale, nouvelle pomme de discorde

d'Lëtzebuerger Land du 24.03.2011

Après la guerre contre le terrorisme, la lutte contre l’évasion fiscale suscite elle aussi la polémique entre l’Union européenne et les États-Unis. La Commission européenne va réclamer l’ouverture de discussions avec Washington sur le « US Foreign Account Tax Compliance Act » (Facta), qui soumettra les institutions financières européennes à une surcharge administrative et des coûts jugés insupportables.

Les membres du groupe de travail du Conseil sur la fiscalité, réunis à haut niveau le 18 mars, ont donné leur feu vert à l’envoi, par la Commission européenne, d’une lettre au Trésor et au fisc américains. Le sujet inquiète de plus en plus les 27. Ils referont le point sur la situation le 28 avril.

Le Facta a été adopté en mars 2010 par le Congrès et déploiera ses effets à partir de 2013. Il vise à imposer à des milliers d’institutions financières non américaines (banques, sociétés de clearing, trusts, fonds d’investissement, compagnies d’assurance-vie, etc.) une obligation de transparence totale sur les avoirs détenus – directement ou indirectement, par l’intermédiaire de sociétés de capitaux ou de personnes – à l’étranger par des « contribuables américains », dont la définition est large : sont concernés les citoyens américains, même double nationaux, les personnes nées sur le territoire américain ou encore les détenteurs d’une « green card » qui ont des comptes à rendre au fisc.

Le système, qui se superposera à celui du Qualified Intermediary (QI) en vigueur, qui ne concerne que les titres américains, soumettra les institutions financières à l’obligation d’identifier précisément les contribuables américains et à transmettre automatiquement aux autorités fiscales des États-Unis toutes les informations les concernant : nom, adresse, numéro et valeur du compte, etc.

Un système de pénalité a été instauré en vue de convaincre les opérateurs financiers de jouer le jeu. Ainsi, Washington prélèvera une retenue à la source de 30 pour cent sur une vaste catégorie de paiements et de revenus de source américaine (intérêts, dividendes, produit de ventes, …) perçus par les banques européennes « non coopérantes ou défaillantes » et/ou par leurs clients. Afin d’éviter cette imposition, relève une étude de la Revue fiscale suisse, les banques qui refuseront de se plier à la Fatca n’auront d’autre choix que de clôturer tous les comptes détenus directement ou indirectement par des contribuables américains ou de se désinvestir totalement du marché américain, ce qui paraît difficilement imaginable pour la plupart d’entre elles.

Une variante a été prévue pour les institutions financières qui accepteront de se plier aux exigences américaines mais seront confrontées à des détenteurs de comptes refusant d’autoriser la divulgation des informations les concernant aux États-Unis : les banques devront alors appliquer elles-mêmes le prélèvement de 30 pour cent sur les paiements de source américaine qui sont attribuables à leurs clients « récalcitrants ». Le même régime s’appliquera aux transactions avec des institutions financières volontairement « non coopérantes ».

Même si de nombreuses circulaires d’application de la Fatca doivent encore être publiées aux États-Unis, la Fédération des banques européennes a déjà tiré la sonnette d’alarme, en jugeant disproportionnées les exigences américaines – elle a déjà adressé dans ce contexte plusieurs courriers à l’administration américaine.

Sur la forme, les 27 partagent l’avis des banques européennes. Sur le fond, en revanche, la grande majorité d’entre eux approuve la détermination des États-Unis à accroître la transparence fiscale.

Le commissaire européen à la fiscalité, Algirdas Semeta, a résumé cette position lors d’un discours à la Chambre de commerce américaine à Washing­ton, en décembre 2010 : « Je soutiens fermement l’objectif d’agir avec fermeté vis-à-vis des citoyens américains qui se rendent coupables d’évasion fiscale. Toutefois, nous avons été saisis de plaintes » relatives aux exigences « très onéreuses » qu’engendrera le Fatac, en matière de transmission d’informations – tous les systèmes informatiques devront être adaptés, notamment. « Je souhaite ardemment poursuivre le dialogue sur le sujet. Il est important de trouver le moyen de garantir la fourniture de toutes les informations nécessaires aux autorités fiscales américaines tout en minimisant la charge pesant sur les institutions financières », avait-il alors déclaré.

À notre connaissance, la lettre de la Commission ne portera toutefois pas de jugement positif aussi clair sur les objectifs du Fatca. Le Luxembourg s’y est opposé, afin d’éviter un évident retour de manivelle : comment, en effet, pourrait-il approuver la politique américaine, alors qu’il défend bec et ongles son secret bancaire dans le cadre des négociations sur la révision de la réglementation européenne dans le domaine de la fiscalité de l’épargne (lire ci-contre) ?

Tanguy Verhoosel
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