L’Union européenne s’est prononcée le 8 février en faveur d’une « dynamisation » de son partenariat avec la Suisse, qui souhaite conclure un troisième paquet d’accords bilatéraux avec elle. Mais Bruxelles n’en démord pas : dans ce contexte, une vaste refonte institutionnelle des relations entre Berne et l’UE est prioritaire.
La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey, s’est rendue le 8 février à Bruxelles, où elle a successivement rencontré les présidents du Parlement européen, Jerzy Buzek, de la Commission, José Manuel Barroso, et du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Elle y a défendu l’idée d’une nouvelle « approche coordonnée et d’ensemble » des relations entre la Suisse et l’Union, dont l’avenir est nébuleux : deux gros paquets d’accords sectoriels ont été ficelés en 1999 et 2004, mais « le système a manifestement atteint ses limites », ont tonné en décembre 2010 les ministres des Affaires étrangères des 27, en réclamant une refonte institutionnelle du « bilatéralisme », la seule voie d’intégration européenne qu’entend suivre la Suisse.
L’UE exige que soient instaurés divers mécanismes destinés, entre autres, à accélérer l’adaptation des accords avec la Suisse aux évolutions de la législation et de la jurisprudence communautaires ainsi qu’à améliorer la surveillance de l’application des accords et à faciliter le règlement des différends. Un groupe d’experts a été formé en juillet 2009 afin de démêler l’écheveau – on n’y est pas encore, tant s’en faut. En attendant, a reconnu Micheline Calmy-Rey, le casse-tête institutionnel bloque actuellement certaines négociations ou discussions que Berne a lancées avec l’Union, dans des domaines tels que le transit et l’accès au marché de l’électricité, la libéralisation du commerce des produits agricoles ou encore la mise sur le marché des produits chimiques, tous importants pour l’économie helvétique.
Berne, refusant de faire des concessions unilatérales qui écorneraient davantage sa souveraineté législative (il estime déjà fournir des efforts dantesques pour rendre son droit eurocompatible, de façon autonome, alors qu’il ne peut pas participer au processus de prise de décisions européen), propose donc de former un paquet avec le tout : dossiers sectoriels et questions institutionnelles. « Nous nous sommes mis d’accord sur cette approche d’ensemble », fondée « comme toujours» sur le modèle du «donnant, donnant », a souligné la présidente suisse.
Les experts de Berne et de Bruxelles vont tenter de dessiner les contours des « bilatérales III », si possible avant la fin de mars. S’ils y parviennent, Micheline Calmy-Rey, qui refuse quant à elle de s’enfermer dans un calendrier, tentera ensuite d’obtenir un mandat du gouvernement helvétique permettant d’ouvrir des négociations en bonne et due forme sur les problèmes institutionnels.
Ce ne sera pas une sinécure – Micheline Calmy-Rey a elle-même qualifié de « mission quasi-impossible » la tâche qui attend la Suisse à Bruxelles. « Je suis convaincu que le temps est venu de donner une nouvelle impulsion à notre partenariat », a certes souligné le président de la Commision, José Barroso. Mais il est également indispensable « d’avoir des règles du jeu plus claires et homogènes », a-t-il ajouté, en faisant référence aux conclusions que les 27 ont adoptées en décembre 2010 : le système actuel « ne garantit pas l’homogénéité nécessaire des pans du marché intérieur et des politiques de l’UE auxquels la Suisse participe » largement, relève ce texte. Herman Van Rompuy a lui aussi insisté sur cette nécessité.
« On peut tout mettre sur la table. Mais on ne pourra pas progresser dans certains dossiers sectoriels aussi longtemps que la Suisse ne lâchera pas du lest sur les questions institutionnelles », précise-t-on à la Commission. « Barroso a été très clair à ce sujet avec Micheline Calmy-Rey. » Il a également été « très clair » sur un autre sujet : le troisième paquet que la Suisse veut ficeler comportera immanquablement un important volet fiscal, par définition sensible. Renforcement de la coopération administrative afin de lutter contre l’évasion fiscale, renégociation de l’accord sur la fiscalité de l’épargne, extension à la Suisse du code de conduite de l’UE le domaine de la fiscalité des entreprises, etc. : les revendications de l’UE sont nombreuses.