Les 27 ont, une fois de plus, affiché de profondes divisions dans le dossier de la fiscalité de l’épargne, le 31 janvier. Résistant à la pression qu’exercent sur eux les autres États membres de l’UE, le Luxembourg et l’Autriche refusent toujours d’abolir leur secret bancaire ; ils exigent d’être traités sur un pied d’égalité avec la Suisse. Le groupe de travail des 27 spécialisé dans les affaires fiscales s’est réuni à haut niveau afin d’examiner un « document de discussion » de la présidence hongroise de l’UE sur la fiscalité de l’épargne (d’Land du 28/01). Il se concentre sur deux revendications du Luxembourg et de l’Autriche. Les deux pays exigent l’introduction dans la directive européenne d’une clause de « conditionnalité externe » et le bétonnage de la période transitoire qui leur permet actuellement d’appliquer un système de retenue à la source sur les paiements d’intérêts à des non-résidents – et, partant, de préserver leur secret bancaire – plutôt que celui de l’échange automatique d’informations entre administrations fiscales.
Luxembourg et Vienne veulent être traités sur un strict pied d’égalité avec cinq pays tiers – la Suisse, le Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin et Monaco. Or, la directive actuelle stipule qu’ils devront basculer vers le système de l’échange automatique d’informations dès que les 27 auront approuvé avec ces cinq États des accords sur l’application des standards de l’OCDE en matière fiscale, qui sont plus souples : ils ne prévoient que des échanges d’informations à la demande entre les fiscs.
La plupart des États de l’UE ont plaidé le 31 janvier en faveur de la suppression du lien établi par le Luxembourg et l’Autriche (qui craignent entre autres une fuite de capitaux) entre les deux dossiers. Et insisté sur la nécessité d’accorder la priorité à celui de l’ex-tension (aux personnes morales ainsi qu’à de nouveaux produits) du champ d’application de la directive sur la fiscalité de l’épargne.
La France, notamment, a soutenu dans ce contexte que l’UE n’a aucune raison de subordonner la réalisation de progrès à l’échelle de l’UE à celui de discussions futures avec les pays tiers, en raison de « l’évolution du contexte international ». L’Allemagne et la Grande-Bretagne sont sur la même longueur d’ondes. Paris a par ailleurs estimé que les conditions du passage – que l’Italie, l’Espagne ou encore le Danemark souhaitent rapide – du régime transitoire (retenue à la source) vers le régime définitif (échange automatique d’informations) ne devraient pas être modifiées, pour le Luxembourg et l’Autriche.
Vienne a toutefois fait remarquer qu’une de ces conditions est loin d’être remplie. Les 27, en effet, doivent non seulement approuver les accords anti-fraude avec les cinq États tiers, dont la Suisse, mais également « constater » que les États-Unis appliquent correctement les normes de l’OCDE. Or, la situation au Delaware laisse à désirer, selon l’Autriche.
Malgré le blocage persistant, les ministres des Finances consacreront un «débat d’orientation» à la fiscalité de l’épargne le 15 février. « Ils ne feront pas avancer le schmilblick », prédit un expert. D’autant moins que le Luxembourg et l’Autriche sont également très attentifs aux négociations que la Suisse a lancées avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne sur le projet dit Rubik. Luxembourg et Vienne ont déjà fait remarquer que les pourparlers avec Berne ne portent pas sur l’échange automatique d’informations.
Indépendamment de ces négociations bilatérales, la fiscalité de l’épargne constituera un des éléments du « troisième paquet » d’accords bilatéraux que le gouvernement suisse souhaite désormais conclure avec l’UE. La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey, exposera la nouvelle stratégie de Berne le 8 février à Bruxelles, où elle rencontrera entre autres le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Micheline Calmy-Rey ambitionne avant tout de s’entretenir avec eux de l’avenir institutionnel du bilatéralisme. Le 14 décembre 2010, l’Union a décrété que le système actuel des accords sectoriels a « manifestement atteint ses limites ».
La volonté de Berne de traiter cette question dans le cadre d’un paquet donnera toutefois l’occasion aux Européens de rappeler leurs exigences dans un autre dossier très sensible, celui de la fiscalité des entreprises. Ils réclament notamment la suppression de certains régimes cantonaux et veulent convaincre Berne d’appli-quer leur « code de conduite », qui impose le démantèlement de mesures jugées dommageables pour la concurrence.