La présidence hongroise de l’Union affine sa stratégie dans le domaine de la fiscalité de l’épargne. Dans l’espoir de sortir le dossier de l’impasse avant l’été, elle suggère désormais aux 27 de procéder par étapes. La première d’entre elles consisterait à confirmer un compromis de 2009 sur l’extension du champ d’application de la législation existante et à autoriser dans la foulée la Commission européenne à entamer des négociations avec la Suisse, le Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin et Monaco.
Budapest a rédigé un nouveau document de travail à l’intention des experts fiscaux des 27, qui se réuniront « à haut niveau » ce vendredi 18 mars. « La présidence estime qu’une manière possible de progresser » dans un dossier sur lequel elle s’est jusqu’à présent cassé les dents « pourrait être d’inviter, lors d’une étape intermédiaire, la Commission européenne à entamer des négociations avec les pays tiers en vue d’assurer une équivalence continue des mesures qu’ils appliquent avec le texte de la directive sur la fiscalité de l’épargne révisée, tel que l’ont provisoirement approuvé les États membres », en 2009, souligne le document.
Les 27 s’étaient alors accordé sur le principe d’une extension du champ d’application de la législation existante à certains produits (assurances-vie, etc.) et personnes morales (trusts, etc.). Dans ce contexte, la « priorité » de la présidence est d’obtenir une « confirmation » de la validité de ce compromis. Ensuite, il s’agirait de renégocier les accords bilatéraux que l’Union a conclus en 2004 avec la Suisse, le Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin et Monaco afin de mettre tout le monde sur un pied d’égalité, en Europe.
Il s’agit d’une exigence du Luxembourg et de l’Autriche, qui redoutent une fuite des capitaux au cas où ces cinq pays tiers ne seraient pas logés à la même enseigne qu’eux. Ce n’est pas leur seule revendication. Ainsi, Luxembourg et Vienne réclament également l’inclusion dans la directive européenne d’une clause de « conditionnalité externe » stricte, qui leur permettrait de préserver leur secret bancaire aussi longtemps que la Suisse ne se résignera pas à abolir le sien.
La directive européenne stipule que la « période transitoire » pendant laquelle le Luxembourg et l’Autriche peuvent appliquer le système de la retenue à la source ne sera pas éternelle. Les deux pays devront basculer vers le système de l’échange automatique d’informations entre administrations fiscales lorsque l’Union approuvera des accords gravant dans le marbre les « standards de l’OCDE » sur l’échange d’informations à la demande avec Berne, Vaduz, Andorre, Saint-Marin et Monaco. La Commission a déjà conclu un projet d’accord avec le Liechtenstein et souhaite entamer sans tarder des pourparlers avec les quatre autres États. Luxembourg et Vienne s’y opposent toujours. Face à ce blocage, la présidence hongroise est soucieuse d’agir avec « pragmatisme ». « À ce stade, écrit-elle, la question de la fin de la période transitoire ne sera pas une priorité pour les discussions » que les experts communautaires reprendront le 18 mars.
D’autres questions se posent, qui font peser une lourde hypothèque sur les chances de succès de Budapest. D’une part, la Suisse a engagé des négociations bilatérales avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne sur son « projet Rubik », qui s’articulent autour d’un grand principe : le prélèvement, par Berne, d’un impôt à la source libératoire qui permettrait de renflouer les caisses de Berlin et Londres tout en préservant l’anonymat des épargnants allemands et britanniques. Vienne et Luxembourg attendent avec impatience le résultat de ces négociations, qui ne devraient pas aboutir avant juin.
D’autre part, la Suisse et l’Union se préparent à effectuer de grandes manœuvres sur un front beaucoup plus large que celui de la fiscalité. Ainsi, la Confédération et la Commission se sont entendues le 8 février pour lancer un troisième cycle de négociations bilatérales, qui englobera à la fois des thèmes institutionnels et sectoriels.
Le menu exact des « bilatérales III » devrait être fixé le 28 mars, lors d’une rencontre à Genève entre le président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, et la présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey.
La Commission, dit-on, caresse l’espoir de boucler l’exercice à la fin de 2011. Le marchandage qui s’annonce pourrait toutefois durer plus longtemps qu’elle le prévoit, en raison de l’extrême sensibilité de certains sujets, en particulier fiscaux et institutionnels.