La façade dans la rue de la Boucherie à Luxembourg en dit long sur ce qui se cache à l’intérieur de la bijouterie Jungblut. On y lit déjà une certaine rigueur dans les formes, une élégance sans fioritures inutiles, une bonne dose de contemporain et un respect du cadre ancien. Il faut dire que le travail de Georges et Nadine Jungblut, qui ont investi les lieux, signés par l’architecte Max Von Roesgen, correspond parfaitement à ces descriptions. Ils ont voulu un espace qui non seulement mette en valeur les bijoux présentés (vitrines, éclairage, tiroirs, meubles de présentation), mais qui soit aussi pratique et modulable. Le comptoir se glisse contre le mur et, au sous-sol, une des parois peut carrément être repoussée pour agrandir la pièce.
Historiquement, la bijouterie Jungblut était on ne peut plus classique. Les parents de Georges étaient installés dès les années 60 dans le passage de la rue Philippe II avec une gamme de bijoux classique, un choix de montres suisse et de l’argenterie. Très vite après avoir repris la boutique en 1997, il s’intéresse aux bijoux contemporains. Quand il déménage rue Louvigny, il développe les collections de bijoux contemporains tout en gardant les bijoux classiques qu’il abandonnera complètement quand il s’installe rue de la Boucherie. La clientèle s’est forcément renouvelée, rajeunie, internationalisée, mais les fidèles découvrent une autre bijouterie, un autre style, souvent avec bonheur. « Ils ont déjà des bijoux classiques et veulent autre chose », constate le patron. Nadine et Georges ont donc progressivement mis de côté les bijoux classiques fabriqués en série pour se concentrer sur les pièces de créateurs. Reconnus sur la scène internationale, ces artistes sont souvent primés, exposés, publiés. La sélection oscille entre des bijoux portables à toutes les occasions, qui peuvent subir les aléas de la vie courante et d’autres qui sont d’abord des œuvres d’art à porter... Les clients sont ceux qui n’ont pas besoin d’une grande médiatisation pour confirmer leurs goûts personnels. Le choix des artistes se fait à travers les contacts des artistes, les salons, les sites internet, les rencontres se font peu à peu et la collection s’étoffe.
Le travail de vente de bijoux est donc tout à fait différent de celui qu’ils faisaient avant. « Il faut prendre du temps pour montrer et expliquer chaque pièce », estime Nadine, qui apprécie particulièrement ce contact avec les clients. Elle est aussi à l’aise avec les artistes et se passionne pour les détails de leur travail. C’est pourquoi, deux à trois fois par année, la boutique propose une exposition temporaire d’un des artistes. Ainsi, après avoir monté une exposition de Ulla et Martin Kaufmann dont les pièces martelées à la main sont d’une impressionnante sobriété, ce sera au tour de Jiro Kamata d’être à l’honneur en juin prochain. Ce jeune Japonais travaille à partir de lentilles d’appareil photo qu’il teint et monte avec de l’argent ou de l’or. « Ces manifestations nous donnent l’occasion de proposer à notre clientèle un choix d’objets que nous ne suivrions pas dans notre collection permanente, » indique Georges Jungblut.
Pour autant, création ne va pas forcément de pair avec des prix prohibitifs. Le couple de bijoutiers essaie de proposer un assortiment pour toutes les bourses, sans pour autant aller au détriment de l’innovation ni de la qualité de fabrication. Ils choisissent aussi des créateurs qui proposent des objets qui ne sont pas forcément fabriqués dans des matières dites nobles comme le platine, l’or ou l’argent. Ainsi, Nina Wöhlke travaille le silicone dans lequel elle insère des petits objets, ce qui permet d’avoir une bague de créateur à environ 70 euros. D’autres travaillent l’acier, le bois ou le feutre, voire le plastique. C’est la dimension créative qui compte, même si certaines pièces sont justement très précieuses. Le travail de Giovanni Corvaja, par exemple, dénote d’une technique hallucinante de tirage de l’or en fils fins comme des cheveux. Beaucoup des pièces proposées renferment des petits secrets ou des mécanismes originaux. Tel collier de Ulla Kaufmann peut se porter de trois façons différentes, les alliances de Patrick Malotki dessinent un cœur quand elles sont rassemblées, Jörg Stoffel taille du quartz en forme d’obus, Eva Katharina Bruggmann ajoute des roulements à billes pour que ses bagues bougent, les boucles d’oreille de Karola Torkos peuvent être plus ou moins longues, les pierres et diamants tiennent tout seul sur les bagues de Niessing… Les créateurs débordent d’inventivité et Georges et Nadine Jungblut savent parfaitement les mettre en avant.