La culture rock ? Oui, elle existe au Luxembourg. C'est une émission de radio, créée par Cynthia Hornick il y a presque six ans à la radio socioculturelle 100,7, diffusée en saison le samedi après-midi. Mine de rien, ce petit bout de femme au grand sourire pleine d'énergie a considérablement contribué à l'émergence et au développement de la musique rock au Grand-Duché. Ou peut-être qu'elle a simplement accéléré une évolution irrésistible, celle de l'influence croissante des musiques nées du blues sur la scène culturelle au Luxembourg, allant jusqu'à aboutir à la construction par le gouvernement d'une salle de musique « pour jeunes ». Ou peut-être qu'au contraire, elle en a profité, Cynthia Hornick, de cette ouverture sur le rock ; peut-être que ses émissions ne purent survivre dans un univers dédié avant tout à la musique classique que grâce à cet intérêt grandissant du public.
« On dit que le rock est mort parce que l'esprit contestataire qui en fut la base n'existe plus. Peut-être que c'est vrai, mais je ne crois pas, le rythme binaire sert toujours à exprimer des revendications, » estime-t-elle. Alors elle part à la recherche de nouvelles musiques, de nouvelles tendances, dans le domaine de la musique électronique par exemple, la musique techno, qu'elle présente actuellement dans ses émissions estivales Planet Rock (samedi de 14 à 16 heures) et surtout Tribal Beats (le même jour de 16 à 18 heures), qui promeut le métissage entre musique électronique et world.
Idéaliste avant tout - elle est éducatrice graduée de formation et a commencé sa carrière d'animatrice dans les radios pirates de la fin des années 1980, passa par RTL et a été engagée aux débuts de la radio socioculturelle par Paul Kieffer, le directeur de l'époque - Cynthia Hornick aime à croire en l'importance de la transmission d'un message ou au moins d'énergies par la musique, les harmonies, en la découverte de l'autre, de l'inconnu par cet échange-là. Voilà la raison de l'existence de Zanzibar par exemple, émission world en quête d'harmonies et de sons, venus d'ailleurs.
La recherche de l'innovation musicale, loin du main-stream servi par les majors et les radios commerciales ? Elle se fait par un travail de défrichage et surtout par tout un réseau de contacts établis dans les festivals. Le Printemps de Bourges, Couleur Café et les Nuits botaniques à Bruxelles, et surtout, son préféré, les Transmusicales de Rennes, véritable tremplin pour de nouveaux groupes, qui y passent juste avant d'être des stars. Elle y a interviewé Portishead, Morphine, Spain ou Vera Bila peu avant que le milieu se les arrache. On les a entendus à son micro, le samedi après-midi, quasiment au moment où Les Inrockuptibles, Lenoir sur France Inter ou Rock à Gogo sur Radio 21 commencèrent à en parler.
Pourtant, ce n'est pas évident pour une seule personne d'une petite radio dans un très petit pays dont le marché du rock reste embryonnaire, d'être prise au sérieux, d'être simplement prise en compte même, pour les envois de CDs promotionnels par exemple, pour les invitations aux conférences de presse et autres voyages de présentation d'un nouveau groupe. Responsable entre autres de l'acquisition des CDs pour l'alimentation du programme quotidien et des archives, elle est obligée d'acheter les disques. Ce qui est d'autant plus difficile que le budget de la radio est très serré. Mais en même temps, cela lui permet d'être complètement libre dans ses choix.
La belle voix rauque de Cynthia Hornick - une des plus radiophoniques du Pal (paysage audiovisuel luxembourgeois) pourtant se fait plus rare à la radio. De guerre lasse, probablement parce que la prééminence du business dans le domaine de la musique l'a fatiguée, officiellement pour des raisons personnelles, elles s'est retirée - du moins à moitié. Désormais, elle ne travaille plus qu'à mi-temps, les week-ends pour assurer ses émissions du vendredi soir et du samedi après-midi. Le restant de la semaine, elle vit dans sa petite maison à la campagne avec deux grands chiens blancs, plusieurs chats, un grand jardin. Et organise des concerts avec son association JobArt - les Wailers vendredi dernier à la Kulturfabrik, c'était elle. Une autre désillusion, malgré le succès du concert, vu la faible rentabilité de ce genre de manifestations avec un public aussi restreint.
L'existence dans les réseaux internationaux, un carnet d'adresses d'agents, de collègues, de musiciens contribuent à valoriser une animatrice qui devient par là elle-même une instance de crédibilisation pour groupes locaux. On appelle probablement cela compétence.