Uber, qui se présente modestement comme une app mettant en contact passsagers et chauffeurs mais vaut désormais une cinquantaine de milliards de dollars, poursuit son expansion à travers le monde à un rythme effréné, cherchant à imposer son modèle d’affaires face aux taxis traditionnels tout en prenant de l’avance sur ses concurrents américains engagés dans la même stratégie de globalisation que lui et à faire mieux que les rivaux locaux qu’il rencontre sur son chemin. Le New York Times rapporte cette semaine qu’à coups de primes pouvant atteindre le triple du prix des courses encaissées accordées à ses chauffeurs chinois et grâce à une alliance avantageuse avec le portail Baidu, la stratégie d’Uber en Chine semble fonctionner pour l’instant. Certains experts suggèrent cependant que malgré tous ces investissements, il est peut-être déjà trop tard : les concurrents chinois qui exploitent un modèle d’affaires semblent avoir une longueur d’avance que Uber ne pourra plus rattraper.
En Inde, l’avancée de Uber n’avait pas été de tout repos : après des accusations de viols de passagères, la filiale de Delhi avait momentanément dû se transformer en association sans but lucratif pour échapper aux foudres des autorités. La Chine, qui en plus de la taille de sa population bénéficie d’une croissance inégalée de son parc automobile et du nombre d’utilisateurs de smartphones, représente pour Uber un marché potentiellement aussi important que celui des États-Unis, est elle ausssi tout sauf un marché facile à conquérir.
Fin mai, Uber a annoncé avoir créé 60 000 emplois en Chine au cours du mois écoulé. Comme ailleurs, beaucoup de ses chauffeurs sont des personnes disposant d’une voiture personnelle qui cherchent à s’assurer un revenu additionnel comme chaufffeurs. L’un d’eux raconte au New York Times avoir gagné l’équivalent de mille dollars au cours des trois premières semaines de mai, soit près de la moitié des 2 100 dollars qu’il gagne par mois dans une entreprise de télécommunications.
Uber a fait un choix judicieux en choisissant son nom chinois, Yo-Bu, composés des éléments yo, qui signifie « supérieur » ou « excellent », et « bu », qui signifie « une étape ». Un choix critique pour toute société occidentale qui cherche à percer sur le marché chinois et doit obligatoirement siniser son nom. Le choix du partenariat avec Baidu, auquel Uber a vendu une participation, est lui aussi positif, Baidu permettant de faire apparaître Uber sur ses applications de cartographie. Baidu représente aussi une précieuse carte d’entrée à l’égard des autorités chinoises. Le New York Times cite le chiffre de 100 000 courses par jour assurées par le biais de Uber en Chine, dans neuf villes, grâce à des prix en moyenne 35 pour cent moins chers qu’avec les taxis traditionnels, des voitures plus modernes, des chauffeurs plus courtois et la pratique systématique d’offrir une bouteille d’eau aux passagers.
Pour autant, l’avenir de Uber en Chine n’est pas assuré, comme le soulignait il y a quelques mois le magazine en ligne Quartz. Celui-ci mettait en avant l’avance dont dispose un concurrent de Uber, Didi Dache, qui fait appel aux taxis conventionnels et bénéficie d’une intégration dans l’application de messagerie instantanée WeChat, ce qui lui donne accès à quelque 400 millions d’utilisateurs. Résultat : Didi Dache sert cinq millions de courses par jour, cinquante fois plus que Uber. Un autre service, Kuaidi Dache, propose comme Uber des courses avec des chauffeurs utilisant leurs voitures personnelles et bénéficie du soutien d’une filiale d’Alibaba, ce qui lui assure un levier non négligeable dans la jungle administrative et politique chinoise.
Uber a certes pris la décision de mettre des Chinois à la tête de ses filiales dans ce pays, ce qui devrait l’aider à surmonter les toujours possibles sursauts de méfiance des autorités chinoises à l’égard des start-up Internet américaines. Mais à la vulnérabilité politique qui résulte de son origine nationale, Uber ajoute un retard significatif face à ses concurrents directs chinois qui risque de le reléguer à un rôle de petit joueur dans l’Empire du Milieu.