Le message est clair. Les réfugiés de l'ex-Yougoslavie seraient en train de se muer subrepticement en des réfugiés économiques, à moins qu'ils ne profitent des incitations financières pour rentrer volontairement au pays. Chiffres à l'appui - sur les 4 861 réfugiés dont la demande d'obtention d'asile politique (convention de Genève) est en train d'être examinée, seulement quelque 400 viennent du Kosovo, les autres étant originaires du Monténégro - le ministre de la Justice Luc Frieden a clairement mis l'accent sur le nécessaire retour de ces « personnes qui nous ont rendu visite et que l'on a accueillies pour les raisons que l'on sait », d'autant plus qu'il « n'y avait jamais de véritable guerre au Monténégro et que la situation actuelle y est des plus tranquilles ». Et le ministre de la Justice - entouré pour l'occasion du ministre de la Famille et de la Solidarité sociale, Marie-Josée Jacobs, ainsi que du ministre de la Coopération, de l'Action humanitaire et de la Défense, Charles Goerens, pour mieux souligner la solidarité gouvernementale dans ce dossier - de dresser un tableau des plus reluisants de la situation actuelle au Monténégro : arrangements avec les autorités de la région autonome pour organiser le retour des réfugiés ; assurances diverses quant à la sécurité de ceux qui rentrent ; mise en exergue du respect des minorités ethniques par le pouvoir en place ; élocution de la situation politique stable et du fondement démocratique des pouvoirs publics (presse libre, élections libres, ...). Ajoutez à cela les aides et investissements, directs et indirects, effectués par le Luxembourg pour parer aux urgences et donner un coup de pouce au développement économique du Monténégro, et il devient effectivement difficilement compréhensible pourquoi ces réfugiés ne sont pas volontaires pour rentrer au pays.
Du côté du Collectif réfugiés, le son de cloche est tout autre. Les informations sur la situation actuelle au Monténégro seraient incomplètes et parfois contradictoires, la sécurité de certaines minorités serait loin d'être assurée et la volontaire politique de non intégration des réfugiés trouverait son paroxysme dans la détermination gouvernementale de se débarrasser au plus vite des réfugiés. C'est ainsi que les ministres concernés, après avoir reçu le Collectif réfugiés, ont invité à une conférence de presse n'ayant d'autre but que de souligner le bien fondé de la politique poursuivie par le gouvernement. Un des credo lors de cette réunion avec la presse était la comparaison internationale : aussi bien en ce qui concerne le traitement des réfugiés que les aides accordées au Monténégro chercheraient leur pareil en Europe. Comme si être le meilleur parmi les pires était un blanc seing pour pratiquer une démarche favorisant l'exclusion.
Par le biais d'une phrase de la ministre de la Famille, « il y avait, à la base, un choix philosophique de ne pas pratiquer une politique d'intégration pour ces gens », couplée à la monition de Frieden « les réfugiés, dont l'intégration est impossible à terme, doivent rentrer, aussi pour éviter des tensions sociales au sein de la société luxembourgeoise » résume parfaitement la situation. Et ce d'autant plus qu'il faut éviter à tout prix que les réfugiés restent trop longtemps dans l'eldorado luxembourgeois. Car sinon, « à l'instar des sans-papiers, l'on courrait le risque de ne plus pouvoir les renvoyer », vu la durée de leur "visite". Façon comme une autre de se cacher derrière les velléités de la masse, en incitant même les bas instincts protecteurs de celle-ci.
En filigrane, la conférence de presse avait ainsi pour but de « vendre » une image humaine de la politique de fermeté du gouvernement, un peu à l'image des propos du Premier ministre lors de sa déclaration sur l'état de la Nation auxquels s'est d'ailleurs référé Frieden. Le fait est que, et le récent épisode de l'auberge de Marnach en témoigne, le gouvernement a poursuivi dès les débuts qu'une seule finalité, celle de se défaire des réfugiés le plus rapidement possible. Comment autrement expliquer le manque d'infrastructures, le refus de donner quelque autonomie aux réfugiés (logement, accès au marché du travail, vie privée), l'absence d'encadrement des responsables des auberges, choisis dans l'urgence voici un an, hébergeant les réfugiés et, finalement, les incitations au départ volontaire qui pénalisent ceux qui ne veulent pas s'en aller sur-le-champ ? Il y a une certitude : ceux qui ne partiront pas volontairement serontrefoulés de force.