Un style, ça s’impose d’emblée. Et dès que le visiteur a franchi la porte de la Gallery Edition 88, au 4, rue Louvigny, dès que son regard s’est porté sur la première affiche à sa gauche, première d’une trentaine qui sont exposées en hommage à Kamen Popov, directeur artistique du lieu, décédé en février dernier, plus de doute possible. Un style, ça se reconnaît aussi de suite. Là, c’était pour le Théâtre des Capucins, pour des représentations de l’Avare. Le personnage éponyme y est, tout situé dans son siècle, et les volutes de sa perruque, instantanément se changent en bars de pieuvre, grippe-sous.
Kamen Popov, Bulgare de naissance, était venu s’installer en Luxembourg dans les années 80, avait ouvert, avec ses deux sœurs, cette galerie à laquelle était associée une école d’art, et qui assure à notre sensibilité artistique comme la rencontre d’un autre art, venu des pays de l’est européen. Ses études, Kamen Popov les avait faites bien sûr à Sofia, école et académie des beaux-arts, et elles lui avaient donné ce fondement solide où pouvait se déployer après une orientation plus personnelle.
Avec l’Avare, comme avec tant d’autres affiches, on saisit l’une des caractéristiques, l’une des qualités de l’art de Kamen Popov. L’image en est percutante, il est une information, un message si l’on veut, qui passe directement. Et dans l’exposition rétrospective, si le regard se retourne après de l’autre côté, autre affiche pour le Théâtre des Capucins, pour Électre, de Jean Giraudoux, c’est la poésie qui frappe en premier, même si là encore, la silhouette de la jeune femme est très parlante, mais jusque dans son acharnement, elle a plus que du charme. Une sévérité accentuée par le profil, est adoucie par une chevelure faite de plumes bleu clair, l’essentiel étant toutefois ailleurs, dans son enracinement.
Les affiches de Kamen Popov sont ensemble percutantes et poétiques, et il serait facile d’en poursuivre la description. Pour la force, on choisirait l’exemple du cavalier rouge et de son étendard flottant sur fond bleu, l’idée et l’image sont plus facétieuses pour Hedda Gabler. Et comme ça parle à l’imagination, avec une belle dose d’espoir, que cet envol d’oiseau, de mouette peut-être, aux couleurs des deux nations, pour la signature du traité d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne.
Kamen Popov savait toujours aller à l’essentiel. Son art est ainsi fait de réduction, et ce à quoi il s’était arrêté alors, il le poussait le plus loin possible, le fignolait, l’exécution en était parfaite. Chose reconnue par ses pairs, comme l’excellent Polonais Roman Cieslewicz, par les défenseurs les plus vifs de l’art de l’affiche, comme Ernst Müller, du Plakatmuseum Am Niederrhein, qui avait joliment stipulé dans son testament que pour une exposition après sa mort, il faudrait confier l’affiche à Kamen Popov.
Autre effet, à part cet hommage au graphiste, de cette exposition rétrospective. Elle montre l’intégration des Popov dans la vie culturelle, dans la vie tout court, de leur pays d’adoption. Au fil des affiches, on refait telles saisons théâtrales, et plus largement, on touche même à l’économie, avec la foire internationale. Avec toujours cette patte indéniable, cet impact iconique propres à Kamen Popov.