Les mots à vocation culturelle et divertissante estampillés jeunesse sont devenus légion. Films, spectacles, émissions, livres,… La liste est longue. En ce qui concerne la littérature jeunesse, a priori destinée aux enfants et aux adolescents, elle se dédie plus volontiers à la première catégorie, un public plus facile. Car l’adolescence est un âge ingrat et n’infante pas qui veut d’un Harry Potter ou d’un Twilight. Ni aussi souvent qu’il le voudrait d’ailleurs, les auteurs de ces pépites étant réduits à multiplier les épisodes jusqu’à épuisement.
Modestement, mais avec courage, l’auteur luxembourgeois Jhemp Hoscheit a sauté le pas. Et comme si le défi en soi n’était pas assez grand, il s’est ajouté moult autres obstacles : écrire en français, alors qu’il recourt depuis toujours principalement au luxembourgeois, à destination d’un public de préadolescents luxembourgophones, dont il ne fait plus partie depuis belle lurette, et, à l’aide de notes de bas de page qui donnent la définition en français ainsi que la traduction en luxembourgeois de quelques mots a priori peu compréhensibles, leur faciliter l’apprentissage de la langue de Molière réputée si difficile et donc mal aimée.
L’entreprise est louable, mais maladroite. La langue aurait été mieux maîtrisée si elle avait été la langue maternelle de l’auteur. Et l’héroïne de douze ans aurait pu avoir quelques années de plus au compteur pour intéresser le public cible de douze à quatorze ans ; à cet âge-là, on ne grandit jamais assez vite et on ne trouve intéressants que ceux qui nous dépassent un peu en âge. Elle aurait également pu mener la vie d’une fillette d’aujourd’hui, faite de moins de sagesse, de moins d’obéissance, de moins de maturité, mais de plus de sentiments irrationnels, parfois violents, mais de courte durée, tels la frustration, la colère, l’entêtement, l’amour-haine, …
Plus que le récit, où rythme et rebondissements font défaut, c’est l’héroïne, Marie-Rose, à qui l’on s’attache. Marie-Rose est enfant unique. Elle se retrouve donc à devoir pallier l’absence d’une sœur (jumelle) en se dédoublant en Marie et Rose, le moi et le surmoi. De quoi remettre au goût d’un jour plus populaire tous les prénoms composés.
Et, comme beaucoup d’enfants, Marie-Rose a un handicap : la différence. Elle est dotée d’une imagination débordante. Laquelle se déclenche de façon incontrôlée et lui fait vivre une vie parallèle où l’ennui est banni. Son monde intérieur est très joliment peuplé d’un cahier d’école désobéissant, d’« animots », d’« un hippopotame hyper gros qui voulait maigrir », de « saxonettes » et de « clariphones », d’un nuage dont le ciel ne veut plus, …
D’aucuns se disent déjà qu’il s’agit là d’un don, d’une chance, et non pas d’un handicap. C’est oublier qu’il y a un âge où ce que l’on désire par dessus tout, c’est d’entrer dans le moule sans que le moindre cheveu n’en dépasse. D’ailleurs, les camarades de classe de Marie-Rose lui font payer cette altérité en la mettant à l’écart. Seuls son meilleur ami et le monde des adultes l’acceptent telle qu’elle est.
C’est l’un des messages délivrés de façon anodine par L’Imagination : s’accepter tel qu’on est, faire fi du négatif, mais profiter du positif qui en découle. À travers le noyau familial de Marie-Rose et une rencontre qu’elle fait, une autre thématique est abordée : la relation parents-enfants avec l’amour et la tolérance d’une part et l’abandon et la maltraitance d’autre part. À l’enfant qui n’a souvent comme repère que son cercle familial, il faut donner du matériel pour qu’il puisse s’ériger en juge de sa propre situation. Encore aurait-il fallu que le sujet ne soit pas juste traité en filigrane.