Le label eschois Ownrecords étend encore un peu plus son carnet d’adresses en conviant à sa table Chihei Hatakeyama, musicien vivant dans la banlieue de Tokyo. Son passé musical chargé l’a conduit à sortir de nombreux albums sous son nom, mais aussi comme moitié du duo Opitope pour des labels comme Kranky, Room 40 ou encore Spekk, autant de références de la musique ambient et de ses épitomés planants. Il honore avec son petit dernier, Ghostly garden la structure luxembourgeoise.
Si, tout au long du disque, l’absence de rythme pouvait laisser craindre une musique à Chihei, il n’en est rien. Le paysagiste sonore Hatakeyama taille par petites touches impressionnistes son jardin secret et protéiforme. Ce havre dégage une atmosphère apaisante fortement empreinte de quiétude. À l’opposé donc du fourmillement perpétuel et sans répit occasionné par et dans la mégalopole nippone. Néanmoins, Tokyo est belle et bien présente, guettant dans l’ombre et prête à fondre sur sa proie. En témoigne l’une ou l’autre sonorité urbaine placée sciemment par Hatakeyama, comme contrepoint du polychrome zen affiché de prime abord.
Spacieux et fort aérien, ce Ghostly garden ne vous confine jamais aux espaces réduits, invitant plutôt à se détacher du réel. Ainsi, ces huit offrandes aux kamis bienveillants, ces divinités nippones issues du shintoïsme, invitent ces derniers par l’entremise de drones irradiants et accueillants. Drones, qui à la base sont ici des instruments électriques et acoustiques, comme des guitares électriques, des vibraphones ou des pianos, tous passés sans exception à travers le prisme de Hatakeyama.
Donc ce Ghostly garden impose peu à peu une présence, tel un spectre qui hante un entourage, s’immisçant peu à peu dans le quotidien, jusqu’à le faire basculer hors des balises normés. Ici, pour en revenir aux kamis, rien de tout cela. Si spectre il y a, il vous veut du bien, à l’image du morceau Cave, où on l’entend un brouhaha urbain envahissant se faire chasser par des vagues sonores naturalistes. Évidement, en extrapolant un chouia, il serait facile d’y voir Chihei Hatakeyama qui questionne la place d’une civilisation vorace, phagocytant Mère Nature et faisant fi des traditions ancestrales, un peu comme le fait Hayao Myazaki dans ses films d’animation (on pense surtout au magnifique Mon voisin Totoro). Le travail, plus minutieux qu’il n’y paraît sur Ghostly garden, porte ses fruits et nous emporte dans un voyage chaleureux et subtil dans un domaine tout en introspection.