Parmi les nombreuses activités d’Elvire Bastendorff, artiste plasti-cienne qu’on ne présente plus, on peut citer la musique électronique qu’elle pratique depuis quelques années en compagnie de Franck Smith, manufacturier du bruit et compositeur établi en France. Sous le patronyme de Zn’shñ, le binôme étend son champ d’expérimentations, après un premier essai sobrement intitulé ++ avec ce II.
Selon uneZn’shñ signifierait « la lueur des couleurs sombres », soulignant ainsi la démarche délibérément antinomique et énigmatique pra-tiquée par le duo. Puisant leur inspiration dans l’iconographie buto (la danse contemporaine japonaise), l’esthétique du gagaku (musique de cour japonaise profane) et la codification des rituels tibé-tains, ils destinent leurs productions principalement à des performances publiques, la production de bandes sons et la participation à des projets audiovisuels. Évidemment, tout ce qui précède ne fait que renforcer le côté très prétentieux, voire pédant (comme cet article, d’ailleurs…), que l’on pourrait adosser aux artysants Zn’shñ. D’ailleurs, une écoute rapide de II confirme que ceci n’est pas à mettre dans toutes les oreilles, le voyage à travers leur électronique, à base de micro-larsens, pulsations infinitésimales, crissements et autres fréquences aigues s’avérant pénible, dans le sens de désagréa-ble. Pourtant, ces lentes et longues digressions faites
instillent des climats remplis d’une tension sourde, où la solitude de tout un chacun se pare de chimères renvoyant aux peurs ancrées au plus profond de soi comme autant de bandes sons imaginaires. Cette esthétique se moque du beau et de l’agréable, cherchant à provo-quer le malaise chez l’auditeur. Ce dernier, s’il parvient à oublier ses canons habituels d’écoute, pourrait y trouver une fascination morbide devant ce corpus impressionniste. Il devient alors clair que le contexte, dans lequel cette musique doit être présentée est une dimension primordiale, tant ce qui est échafaudé ici est singulier. Malgré son champ d’actions sciemment limité par ses concepteurs, c’est paradoxalement ce refus d’universalité qui lui procure sa force et son pouvoir d’expression. Cet ambient maladif et nocturne déjoue dès lors beaucoup d’attentes et préfère se lover dans son opacité minimaliste, laissant beaucoup de questions sans réponses. Mais le méritent-elles ?