Parmi les cités du Sud, Differdange fait souvent office de parent pauvre par rapport à Dudelange et à Esch-sur-Alzette en termes d’activités rock-pop. Il faut dire que depuis la fermeture du café-concert Plus/Minus, il y a près de dix ans, la troisième ville la plus peuplée du pays n’a jamais réellement comblé le manque causé par cette disparition. Mais avec l’implantation de l’Autre Part, restaurant lounge qui organise régulièrement des concerts, sur la place du Marché de Differdange, les choses sont en train de changer à un rythme casanier. D’ailleurs, le propriétaire du restaurant, Remo Bei, ancien chanteur de feu Soul Season, s’est aussi lancé dans l’aventure d’un microlabel, Lili is Pi Records, qui compte dans ses rangs Hal Flavin, mais aussi Drew Andrews, guitariste d’Album Leaf ou la formation new-yorkaise Takka Takka. Cette petite structure entérine un nouveau volet, si l’on peut dire, avec Les Sons, sous-label qui se concentre sur des musiques plus atmosphériques voire chill-out.
Place du Marché Volume 1 est la première sortie de cette filiale. Pour ce faire, on a laissé carte blanche à Valy Rodin aka Mellowgrooves. Cet ancien DJ résident du Melusina Club a longtemps fait les belles nuits du club de Clausen, où ses mix langoureux et suaves laissaient filtrer ses influences deephouse, jazz et ambient, glanées au fil de ses nombreux voyages. Cette sélec-tion de dix titres est donc censée vous plonger dans un univers de calme et de sérénité, moments hélas trop rares dans nos vies bien trop cadencées…
Tout cela ne vous rappelle rien ? Mais si, les innommables compilations Buddha Bar qui pullulent depuis dix ans. Même vocation d’extirper le bobo lambda de son quotidien harassant à travers des musiques mollassonnes aux effluves exotiques de carte postale. Souvent, le problème de ces compilations de musique d’ambiance, et celle-ci ne fait pas exception, est le parfum de toc et de vide intersidéral qui s’en dégage. En parfait émule de la série de compilations lancée par Claude Challe, le cahier de charges est ainsi rigoureusement respecté, on retrouve des notes de piano égrenées à la Craig Armstrong, de la neo-souljazz façon Sade, un peu de trompette crépusculaire, des nappes de synthé sirupeux à la louche et des beats surannés vaguement triphop.
On constate amèrement que l’esprit d’aventure affiché dans les intentions du label est ici aux abonnés absents. Certes, le deuxième et les trois derniers morceaux, pris individuellement, suscitent un certain intérêt. Mais, il eut été préférable de prendre en modèle d’autres séries de compilations comme les freezone compilés par DJ Morpheus, les science fiction jazz, voire les excellentes future lounge où musique d’ambiance ne rime pas forcément avec somnolence, tout en oubliant d’asséner ces clichés pour bar à cocktails.