À quoi sert un État social si les lois et les règlements qu’il met en place sont laissés à l’arbitraire de quelques fonctionnaires, pas très calés dans le maniement de la calculette ? Il est permis en tout cas de se poser des questions sur l’usage peu dissipateur, à tout le moins, qui a été fait par les services du ministère du Logement du règlement grand-ducal du 2 avril 2004 fixant les conditions et modalités de l’aide au financement de garanties locatives. Un verrou vient en tout cas de sauter suite à l’intervention du tribunal administratif, lequel a remis dans les bons rails la garantie locative. Une aide, dont les contraintes étaient telles jusqu’à présent, qu’il fallait cumuler la triste condition d’être ultra-pauvre et d’habiter dans un taudis pour s’en faire ouvrir les droits (pas plus de 573 euros de loyer mensuel). L’histoire d’un RMiste à l’origine du recours devant la juridiction administrative en est la malheureuse illustration.
L’homme s’est vu refuser sa demande le 12 septembre 2007 par la commission chargée d’examiner les demandes d’aide au logement. Motif invoqué : le loyer mensuel de 620 euros dépasse la limite admissible d’un tiers du revenu brut du candidat locataire. La commission, unanime sur le refus, invoque alors erronément l’article 6 du règlement grand-ducal de 2004.
Fin octobre, le RMiste introduit devant le tribunal administratif un recours contre ce refus. L’État luxembourgeois dans cette affaire semble raser les murs : pourtant informé de cette procédure, il n’a jamais pris position ; signe sans doute que la position de ses fonctionnaires n’est pas défendable. Ça n’a pas empêché la juridiction de statuer et de trancher le dossier sans trop de problème, compte tenu de l’absence de toute ambiguïté du dispositif de la garantie locative mis en place il y a trois ans.
Le règlement litigieux fixe, selon l’argumentation avancée par l’avocate du plaignant, deux conditions à l’octroi de la garantie locative : d’abord que le revenu du candidat locataire soit inférieur à 2,5 fois le montant brut du revenu minimum garanti et ensuite que le loyer mensuel ne dépasse pas 1 373,58 euros (191 euros selon l’indice général de 1948). Avec les 620 euros de mensualité, son client rentrait donc pile-poil dans le format. Argument repris à leur compte par les juges administratifs qui ont donné une leçon de droit et surtout d’arithmétique aux membres de la commission d’aide au logement : les dispositions de 2004 prévoient bien une limite fixée à un tiers du revenu du candidat locataire à un montant maximal de 573 euros, valeur à l’indice des prix à la consommation raccordé à la base du 1er janvier 1948. Adaptée à l’indice au 3 octobre 2007, la limite atteint 4 120,73 euros. Toutefois, ce plafond s’entend par référence au montant de l’aide qui sera accordée par l’État. « La condition retenue par la commission, soulignent les juges, pour refuser l’aide sollicitée par le demandeur, à savoir que le loyer mensuel ne doit pas dépasser la limite admissible du tiers du revenu brut du candidat, n’est pas prévue par le règlement du 2 avril 2004, de sorte que la décision de la commission du 12 septembre est à annuler pour violation de la loi ».
Introduit en 2004, le règlement grand-ducal prévoit que l’État fournit une garantie locative aux candidats locataires sous la forme d’un certificat. Si le bailleur le demande, l’État s’engage alors à payer la garantie locative qui est demandée lors de la signature d’un bail locatif d’un logement du parc privé. Les loyers rédhibitoires du grand-duché permettent déjà difficilement aux ménages très modestes de maintenir un niveau de vie un peu décent. Les cautions exigées par les propriétaires (trois mois de loyer en principe en tenant compte de la commission d’agence si le contrat n’est pas signé directement) rendent même impossible l’accès au logement pour certains d’entre eux.
« Bon nombre de ménages à revenu modéré, bien que de bonne foi, éprouvent des sérieuses difficultés pour la constitution d’une garantie locative », reconnaît-on au ministère du Logement (rapport annuel 2007). Moins de cent demandes (98 au total) ont été avisées positivement l’année dernière pour un montant de 98 892 euros, ce qui fait un montant d’environ 1 000 euros par ménage. On est très loin du plafond prévu de 4 120,73 euros. Le ministère de Fernand Boden ne donne aucune indication sur le nombre de dossiers introduits, ni la proportion des refus qui ont été essuyés par les ménages.