L’adage selon lequel il vaut mieux restituer une dette par mensualités à une banque pour devenir propriétaire de son logement plutôt que de payer un loyer n’engage que ceux qui y croient. Ce principe fortement ancré dans la mentalité luxembourgeoise – trente pour cent des résidents seulement sont locataires – risque désormais de plonger toute une couche de la population dans la pauvreté. Au Grand-Duché, ce risque se situe désormais autour de treize pour cent de la population.
Des conseillers en patrimoine recommandent d’investir dans la pierre avant tout pour mettre sa fortune à l’abri de l’inflation. Or, les ménages, qui visent à acquérir leur propre logement au prix fort et qui sont prêts à s’endetter pour une trentaine d’années voire plus, risquent de tomber dans le vide dès que la donne change. Il suffit d’une augmentation des taux d’intérêt, comme c’est le cas en ce moment. Les spécialistes prédisent d’ailleurs au moins une hausse cette année.
L’engagement financier sur une trentaine d’années suppose une stabilité financière et privée à laquelle en principe personne ne peut raisonnablement s’engager – à moins de posséder une boule de cristal fiable. Une séparation, un divorce, la perte de l’emploi tournent souvent à une catastrophe.
Car qui peut désormais garantir que le montant artificiellement gonflé d’un logement, investi dans l’acquisition d’une maison pourra être récupéré plus tard par la revente de l’objet ? À moins de réaliser d’importants investissements et des rénovations coûteuses. De toute façon, ceux-ci ne sont pas possibles si le budget du ménage est calculé au plus juste. De grosses dépenses comme la réfection du toit ou de la chaudière peuvent être la goutte qui fait déborder le vase. « Il faut arrêter de pousser les gens à l’achat, déclare le député vert Claude Adam, la prétendue sécurité du logement acquis est une chimère. Le principe de la propriété est non seulement ancré dans les mentalités, mais l’État lui-même favorise cette évolution en subventionnant davantage l’acquisition que la location. » Hier au parlement, il a fait passer le message selon lequel la situation sur le marché de l’immobilier est en train de miner la cohésion sociale au Luxembourg – même les couches aisées ne sont plus à l’abri de la pauvreté. Même le fait de désindexer les allocations familiales ou d’augmenter les prix des crèches publiques peuvent avoir des répercussions sérieuses sur le pouvoir d’achat des personnes endettées, par la réduction de leur marge de manoeuvre financière.
Le budget alloué au logement pèse sur tous les budgets des ménages, mais il grève surtout les revenus modestes. « Un couple avec deux enfants qui gagne le revenu social minimum et bénéficie du complément RMG disposera de quelque 2 400 euros par mois dont mille euros sont d’office engloutis par le logement, explique Claude Adam, il lui reste finalement très peu pour vivre. » Sans parler des dépenses imprévues.
C’est la raison pour laquelle les Verts demandent de charger la commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle d’étudier la portée du principe du droit au logement dans la Constitution luxembourgeoise. À l’instar de la discussion sur le droit au logement opposable en France, les Verts voudraient replacer le pouvoir politique devant ses propres responsabilités. Parallèlement, ils rappellent l’urgence de réformer les offices sociaux communaux et les logements de secours, réglementés au XIXe siècle, jamais adaptés depuis lors. « Les professionnels du domaine social prennent l’image du tabouret aux trois piliers – travail, logement, famille – pour illustrer les besoins d’une personne. Si un des piliers cède, tout l’équilibre est en danger, ajoute Claude Adam. À mon avis, il faut désormais y ajouter un quatrième pilier : la chance. »