Que fait-on quand est fan d’Hello Kitty depuis sa plus tendre enfance et qu’il faut bien devenir adulte ? On ouvre une boutique de trésors pour filles en plein centre ville, du genre de celles qu’on aurait adoré fréquenter depuis toujours et on l’appelle « Hello Beluga ». Ainsi la boucle est bouclée, et l’hommage est rondement rendu à la fois à la petite icône nippone et au bon gros toutou qui sommeille paisiblement aux côtés de sa maîtresse, Nirina Schiltz. Il y aura trois ans cet été que Nirina s’est lancée dans l’aventure. À l’époque, elle avait 26 ans, était fraîchement diplômée (en géographie), et revenait d’une demie année d’enrichissement personnel en Afrique du Sud. « C’était le moment où jamais, aujourd’hui je ne sais pas si je le ferais encore, » avoue timidement la jeune femme. « C’est tellement compliqué d’ouvrir un commerce quand on est jeune et ignorante de toutes les démarches administratives, la paperasse… On n’est pas du tout aidés ».
Elle a beau parler doucement et rester quasi immobile dans sa jolie boutique bariolée, elle est tout de même parvenue à réaliser son rêve, restant ainsi fidèle à la petite fille qu’elle était. Tout le monde ne peut pas en dire autant. De sa mère malgache, Nirina doit certainement tenir son petit air venu d’ailleurs ainsi que son prénom. Sa moitié luxembourgeoise fait d’elle quelqu’un de très attaché au grand-duché (« je ne me voyais pas ouvrir ailleurs »), qui voit évoluer la capitale avec beaucoup d’intérêt (« ça reste encore petit, mais on a un super beau centre ville, avec de belles boutiques »).
Son magasin, c’est sa bulle, son univers. Blanc et lumineux, elle l’habille de trésors dans lesquels il faut farfouiller pour trouver son bonheur. Ces perles, elle va les chercher en arpentant les foires de Paris et de Francfort, mais surtout par monts et par vaux, notamment du côté du Canada, de la Corée et du Japon, grâce à internet. Adepte du e-commerce, elle envisage d’ailleurs à plus ou moins longue échéance de proposer elle-même ce service – qu’elle juge désormais incontournable – par le biais de son site. Les objets qu’elle propose, c’est un peu de Mudam shop, un peu d’Usina, et même un peu d’Extrabold, mais surtout beaucoup de Nirina. Un autre concept store à la parisienne Colette (puisque, décidément, c’est devenu la référence aujourd’hui), mais en beaucoup plus personnalisé, en beaucoup plus intime avec même une touche de vrai rétro. C’est trop féminin et chaleureux pour être confondu. Sa règle de base pour sélectionner la marchandise est que ça doit lui plaire à elle d’abord. La clientèle suivra ou non.
Tous les articles qu’elle propose n’ont rien d’essentiel, mais ils sont joliment superflus et originalement incontournables dans une société où le mimétisme règne, aidé par les grandes enseignes de vêtements et autres accessoires « mondialisés ». C’est une « boutique de filles féminines » selon Nirina Schiltz, mais de celles qui glanent le petit plus qui les distinguera des autres. « Il y a parfois un amoureux qui vient ici tout seul pour chercher un cadeau à sa copine, mais majoritairement ma clientèle va de la minette de douze ans à la maman de quarante ans… ». Et dieu sait qu’elles trouveront forcément chaussure à leur pied. « Trop cool le vieux téléphone ! Et il marche en plus. Tu as vu ? Il y a un fil… ». Car Nirina chine, et surfe aussi sur la nostalgie qui caractérise la génération des post-baby boomers, ceux qui continuent de jouer aux consoles de jeux en parallèle d’un très sérieux métier, version masculine. Celles qui déplorent la sur-commercialisation actuelle de Hello Kitty, si rare à leur époque, ou qui s’émerveillent de voir reproduire les jouets de leur enfance, version féminine. « C’est une boutique qui fonctionne au coup de foudre, » constate Nirina.
Et puis il y a la réalité, qui a transformé Nirina-la-petite-fille en Nirina-la-femme-d’affaires. Avec l’air de ne pas y toucher, elle s’insurge contre les loyers prohibitifs du centre ville. « On ne donne pas de chance aux petits commerces ! affirme-t-elle. Seules les grandes enseignes et les franchises n’ont pas de problème pour survivre. Cette politique fait que beaucoup doivent mettre la clé sous la porte, emportant avec eux ce qui constituait une particularité locale ». En ce qui la concerne, elle garde de l’optimisme. « J’ai beaucoup appris et je ne referai plus les mêmes erreurs. Et j’aime ce que je fais ». Elle peut se rassurer, son commerce est à plus d’un titre la vitrine de toute une génération de femmes, une génération qui n’a pas l’intention de la voir disparaître.