Galerie Zidoune

L’étiquette américaine

d'Lëtzebuerger Land vom 11.02.2010

Il y a presque deux ans, une galerie d’art contemporain ouvrait ses portes à Luxembourg tout simplement baptisée d’après le nom de son gérant, Nordine Zidoun. Or cette ouverture semblait un pari risqué à plus d’un titre dans une ville où la fermeture de galeries semble être une fatalité (on se souvient notamment du départ – avec pertes et fracas pour la scène locale – d’Erna Hécey, depuis heureusement reconvertie en bruxelloise). Y a-t-il suffisamment de collectionneurs pour tout le monde dans une ville si petite ? Y a-t-il encore de la place dans le microcosme local de l’art contemporain ? L’aventure semble néanmoins continuer pour la nouvelle galerie, et – si l’on en croit Léonor Comin, « directrice et art manager » de la galerie – le discours de départ reste à peu près le même.

Depuis le début, l’accent est mis sur la création contemporaine américaine, plus particulièrement new-yorkaise, et encore plus particulièrement afro-américaine new-yorkaise. « Cela relève d’un intérêt personnel de Nordine Zidoun, souligne Léonor Comin, son métier de consultant en art (basé au Luxembourg) l’a amené à fréquenter beaucoup d’artistes à New York depuis une vingtaine d’années. Ce sont eux d’ailleurs qui l’ont convaincu d’ouvrir sa propre galerie. Et comme le créneau était jusque-là inexploré, nous avions moins de chance de marcher sur les pieds des autres galeries déjà implantées. »

Pour ce qui est de la réaction de la concurrence, Léonor Comin semble suggérer une observation en chiens de faïence : « Je pense qu’on était jaugés de loin, surtout qu’on venait de nulle part et qu’on ne nous connaissait pas. À l’heure actuelle, on a une étiquette américaine, une étiquette ‘artistes américains émergents’ qui nous plaît beaucoup. Je pense que c’est celle qui nous définit le mieux ici. Mais attention, on n’exclut pas le coup de cœur avec un artiste local, même si on ne prospecte pas vraiment encore. Ce qui nous intéresse, c’est l’originalité au niveau de la technique et du talent. »

Si, à l’origine, un système de galeries binômes Paris-Luxembourg a été mis en place, aujourd’hui seule la galerie luxembourgeoise reste ouverte. « L’idée était de jouer sur deux capitales européennes n’ayant rien à voir l’une avec l’autre et d’y présenter les mêmes expositions et les mêmes artistes. La galerie de Paris est actuellement en stand-by, on veut déménager ». Ouverte trois mois avant Paris, serait-il possible que la branche luxembourgeoise soit en fin de compte la maison-mère ? « Il est certain que si ça marche à Luxembourg, c’est qu’on est moins nombreux. En plus, il y a comme une brèche culturelle qui s’est ouverte depuis peu et dont nous bénéficions, avec l’ouverture du Mudam il y a presque quatre ans, puis l’année culturelle en 2007… Sans oublier bien sûr l’effort de toutes les galeries locales qui travaillent activement dans ce sens depuis plusieurs années, » estime la jeune femme qui réside au Luxembourg depuis deux ans et demi.

Lorsqu’il s’agit de décrire sa clientèle type, Léonor Comin élargit le propos : « Elle est variée : il y a tout d’abord des collectionneurs qui connaissent déjà l’art, puis des gens qui aiment notre programme car ils y trouvent quelque chose de différent par rapport à ce qu’ils trouvent habituellement ici. Et puis également les nouveaux collectionneurs, ceux qui arrivent à la galerie en même temps qu’ils arrivent dans le monde de l’art. » Ses deux ans d’observation lui ont permis d’établir un profil-type du « collectionneur luxembourgeois », celui dont rêvent toutes les galeries, riche et avisé.

« Le Luxembourg a longtemps été tourné vers l’international, dans le domaine de la culture en particulier, faute d’une tradition locale d’art contemporain. Alors c’est vrai que les collectionneurs luxembourgeois qui le souhaitaient étaient obligés de se tourner par eux-mêmes vers l’extérieur. Il y a ici des gens qui collectionnent fortement et de façon avisée depuis des dizaines d’années et qui ont fréquenté assidûment les grands centres artistiques à l’étranger. Au contraire du grand public, ceux-là connaissent déjà nos artistes. Ils sont contents qu’on les présente enfin. Ça corrobore leurs choix en quelque sorte ».

Outre celle de faire découvrir des artistes américains aux Luxembour­geois, la galerie s’est aussi assigné pour mission de contribuer à imposer le Luxembourg comme place émergente de l’art contemporain sur les foires internationales. Avec deux participations à des foires américaines en 2009 (Pulse Miami et Pulse New York), d’autres à venir et un Art Paris imminent (du 18 au 22 mars 2010), l’équipe ne semble pas avoir chômé. Elle développe en parallèle des projets avec des musées, suivant de près le travail de ses artistes. Ainsi le couple Bradley McCallum et Jacqueline Tarry, dont l’exposition Shades of Black a été présentée du 21 mai au 30 juillet 2009, prépare actuellement une première rétrospective au Musée d‘art contemporain de Baltimore à partir du mois de mai. Et l’installation all over d’Adam Parker Smith [&] Carolyn Salas qui a été inauguré l’année 2009 est partie à l’Urbis de Manchester pour l’été dernier.

Concernant les institutions locales, Léonor Comin applaudit. Elle célèbre l’impact du Mudam, avoue suivre de très près l’action de Kevin Muhlen du Casino par qui elle se dit « agréablement surprise » et se remémore avec plaisir d’une rencontre « intense » avec Marie-Claude Beaud, venue inspecter les lieux juste avant son départ l’année dernière. Petit bilan par rapport aux expectatives initiales ? « Un grand waow ! » pour reprendre ses propres termes.

La galerie Zidoun est ouverte du mardi au samedi de 11 à 19 heures, au 101, rue Adolphe Fischer, Luxembourg. Plus d’informations par téléphone au 26 29 64 49 ou sur le site www.galeriezidoun.com.
Romina Calò
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