Il se définit lui-même comme « un artiste raté ». Pierre-Antoine Laurent, l’administrateur des éditions Muséal, aurait pu faire de la musique ou du design, il est arrivé au Luxembourg pour s’occuper de produits de bricolage et d’entretien. C’est à la faveur d’une rencontre avec ceux qui s’occupaient d’importer les objets labellisés Louvre et qui fermaient boutique qu’il va réorienter sa carrière et ouvrir, il y a dix ans, le magasin Muséal, rue du Saint-Esprit. Logiquement, il reprend d’abord la diffusion des objets du Louvre, puis élargit la gamme à ceux de la Réunion des musées nationaux (le premier éditeur d’art en France).
Il s’agit en premier lieu de reproductions d’objets et d’œuvres conservés dans les plus grands musées du monde : bijoux plaqués or et argent massif, statues et poteries en bronze, marbre, terre cuite et pierre reconstituée, arts de la table en cristal, porcelaine et argenterie... La collection propose des objets usuels, grand public, à partir de quelques euros, mais aussi des pièces destinées aux collectionneurs en particulier des bronzes, édités à 50 exemplaires et valant pas loin de 2 000 euros. On est loin du souvenir touristique ou du gadget made in China.
Dès ses débuts, Pierre-Antoine Laurent a tenu à développer un ancrage local en s’associant avec le Musée d’histoire de la Ville de Luxembourg pour co-éditer des répliques d’œuvres luxembourgeoises telles que des bronzes d’Auguste Trémont. On trouvera aussi sur les étals de Muséal des bijoux inspirés du Palais grand-ducal ou de la Gëlle Fra, ou encore de la maroquinerie gravée aux armes du grand-duché. C’est aussi l’éditeur qui gère la boutique du musée de la ville et lui reverse des royalties qui « contribuent à la conservation et au développement des collections du Musée », tient à souligner le maître des lieux.
Le savoir-faire de Muséal pour la fabrication et la distribution de ces objets précieux lui permet aussi de répondre ponctuellement à des partenariats avec diverses associations à vocation culturelle, sociale, humanitaire ou philanthropique. Ainsi, les amis des Musées, le Comité Alstad, la Croix-Rouge, le Kiwanis club ou encore la Fondation luxembourgeoise contre le cancer ont fait appel aux éditions pour produire des objets pour des occasions. C’est aussi cette expertise qui a valu à Muséal d’être sélectionné pour la production et la diffusion de l’ensemble des objets sous licence du « cerf bleu » diffusées durant l’année culturelle 2007. Ce sera encore le cas cette année avec le 750e anniversaire de la Ville de Diekirch, qui prévoit la réalisation de cinq objets de prestige qui feront sans doute de très beaux cadeaux aux officiels.
Car l’essentiel de la clientèle de Pierre-Antoine Laurent se situe du côté des ministères et de la Cour, dont il pourra arborer le titre de fournisseur officiel cette année (après dix ans de bons et loyaux services comme il se doit). C’est aussi pour ses « travaux de ville » venus du graveur Benneton, dont Pierre-Antoine Laurent est également administrateur, que la maison est connue et reconnue. Ce graveur parisien, qui affiche plus d’un siècle d’existence, réalise cartes de visite, papiers à en-tête, invitations et toute gravure sur or, pierre, papier. Garant d’exclusivité et de sécurité, ces gravures à l’ancienne séduisent toujours une clientèle fortunée, qui cherche la distinction dans sa représentation.
Là où Muséal affiche le plus d’audace est dans l’édition de multiples d’artistes contemporains luxembourgeois. On peut ainsi trouver des bronzes, céramiques ou lithographies de Wil Lofy, Jeannot Bewing, Robert Brandy, Moritz Ney, Roland Schauls, Yvette Gastauer. Mieux encore, la maison propose à des artistes de réaliser des objets plus usuels. La démarche d’éditeur de design contemporain passe par une élaboration conjointe que Pierre-Antoine Laurent apparente à une « maïeutique ». Ainsi, quand Marie-Paule Feiereisen propose « l’archi-vase », il faut un an entre sa conception et sa distribution. Le vase en céramique noire, qui peut être posé horizontalement ou verticalement, a nécessité bien des ajustements. « Nous avons la chance de collaborer avec des artisans très doués et pointus, ce qui nous permet de créer, avec les artistes, tout ce qu’ils veulent. » Le service à café et les plats de Martine Deny sont plus simples mais partent de cette même démarche créative.