Il aurait pu devenir prof de sport, kiné, voire biologiste. David Richiuso a toujours été fasciné par les sciences, les expériences, les odeurs de bois et le travail des mains. Nourri de théâtre et d’expositions par culture familiale, c’est à travers la chimie qu’il découvre la photographie ou la peinture et grâce à son oncle ébéniste qu’il apprend le bois. Après des débuts en biologie médicale, David s’oriente vers l’architecture d’intérieur et la peinture monumentale à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles.
« Dans la création, c’est toujours le côté scientifique, le ‘comment ça marche’ et la volumétrie qui m’intéressent », explique-t-il pour justifier son attachement non pas tant aux objets eux-mêmes, mais à la technique à mettre en œuvre pour les créer et les faire s’adapter aux besoins. De l’architecture d’intérieure au design d’objets, il n’y a donc qu’un pas que David Richiuso, qui signe ses créations Defact studio, franchit rapidement.
Il participe ainsi au concours Design Boom à Milan en 2003 et remporte un prix avec une douche, ce qui l’encourage à poursuivre son travail et ses recherches. Car avant toute création, il y a un long, voire très long processus de recherche. « Je pars d’une constatation sur un aspect humain, social ou sociétal pour élaborer des recherches qui me donnent des idées et qui progressivement voient l’objet se développer », raconte-t-il. Ainsi, pour son tapis Homicide, qui dessine la silhouette d’un corps à la manière de ce qu’on voit dans les scènes de crime, il est parti des images négatives que l’on a sur la mort. Il a lu énormément sur les rites funéraires dans l’histoire et dans diverses sociétés pour vouloir renverser la lecture négative et introduire la mort dans notre quotidien. Quoi de plus quotidien que le sol qu’on foule ? Aussi c’est l’idée d’un tapis qui s’est imposée avec cette forme de corps. Le feutre, dense, compact et malléable vient ensuite avec les recherches de matériaux et de techniques de découpe.
Sans doute le Kiss guide est l’objet de David Richiusio qui a le plus été diffusé. C’est une boîte de badges représentant des bouches et indiquant pour celui qui le porte le nombre de baisers qu’il fait pour dire bonjour. Il invente ainsi un accessoire pour que les gens se sentent à l’aise dans la communication, notamment dans l’univers international de Luxembourg. « J’ai voulu pousser l’aspect médical avec une notice en forme de posologie et un emballage plastique ». Au marché du design de Saint Etienne en 2006, dans la boutique parisienne Colette, dans des événements culturels à Cannes, à Bâle ou à Milan, il n’était pas rare de croiser des personnes arborant ces fameux badges roses.
La même année, sa bibliothèque Malus Communis se fait remarquer au salon Interieur à Courtrai, dans la sélection de jeunes designers. « Pour moi, ce qui est le plus privé chez chacun, c’est sa culture, ce qu’on garde et qu’on emporte, ce qu’on transmet », évoque-t-il. D’abord transmise par la parole, notamment autour d’un arbre à palabre, elle est devenue livresque, et passant donc par le papier issu des arbres. Ajoutons encore l’idée de l’arbre de la Connaissance et celle des racines que l’on transporte avec soi et il était clair que l’arbre allait devenir une bibliothèque. Le designer choisi de travailler la tôle, pour sa souplesse alliée à sa robustesse et sa finesse et laque l’ensemble pour lui donner un fini brillant. Présenté par ArtFriendly sur son stand de Maison et Objet en janvier dernier, la pièce a été vendue après trois heures d’exposition et a reçu le Prix découverte de ce salon parisien.
Il est bien évident que David Richiuso ne peut pas vivre de la création d’objets. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre ses recherches et ses travaux. Par exemple, il fait des recherches sur des bougies en forme d’arbres, qui s’appelleraient Pyromane, élabore une nouvelle version de son tapis, en blanc appelé Snowmicide, ou peaufine une version de sa bibliothèque commandée par le Mudam. Il travaille aussi beaucoup sur des projets d’aménagements intérieurs et d’architecture à Luxembourg comme en Belgique dont il est originaire. Defact studio participe enfin à de nombreux salons et foires : « C’est un passage obligé pour asseoir une certaine notoriété et acquérir une visibilité et une crédibilité, même si c’est toujours beaucoup de travail et pas forcément des ventes. »