Selon le dernier rapport de l’EFAMA (European Fund and Asset Management Association), 2017 a été une année exceptionnelle pour « l’industrie des fonds » européenne, dont les actifs nets ont franchi la barre des 15 000 milliards d’euros, soit une croissance moyenne de dix pour cent, mais dans huit des 28 pays membres de l’association elle a été encore supérieure.
Les encours des Ucits (organismes de placement collectif en valeurs mobilières, régis par la directive de 2014) représentent 62,2 pour cent du total. Atteignant 9 714 milliards d’euros fin 2017, ils ont augmenté en moyenne de douze pour cent en un an. Mais parmi les grands « centres de domiciliation » seule l’Irlande fait mieux (15,9 pour cent) devant le Luxembourg (11,9 pour cent), le Royaume-Uni (11,6) et la France (9,8). En revanche, la croissance a été de plus de vingt pour cent dans huit autres pays d’Europe membres de l’Efama qui pèsent moins en termes d’actifs : Belgique, Bulgarie, Chypre, Hongrie, Malte, Pologne, Portugal et République tchèque.
Les encours des fonds alternatifs (Alternative Investment Funds, régis par la directive AIFM de 2011) représentent 5 909 milliards d’euros soit 37,8 pour cent du total. En un an, ils ont crû moins vite que ceux des Ucits, 7,1 pour cent en moyenne, mais l’augmentation a été deux fois plus forte au Luxembourg (15,8 pour cent), l’Irlande se situant aussi au-dessus de la moyenne (11,8 pour cent). Parmi les « grands pays des fonds », l’Allemagne (6,9 pour cent) et la France (5,2) sont plus en retrait. Comme pour les Ucits, plusieurs petits pays ont vu leurs encours augmenter de plus de vingt pour cent (Croatie, Chypre, République tchèque).
Depuis le point bas atteint en 2008, soit en dix ans, les encours totaux ont été multipliés par 2,6 environ, surtout grâce aux fonds alternatifs qui sur la période ont vu leurs actifs multipliés par 3,6, mais ceux investis en Ucits ont aussi plus que doublé. La répartition entre Ucits et AIF est très variable d’un pays à l’autre : au Luxembourg on compte 84 pour cent d’Ucits.
La progression des actifs gérés en 2017 est due à l’augmentation spectaculaire des ventes (souscriptions nettes) qui ont approché la barre symbolique des mille milliards d’euros : avec 949 milliards, elles ont plus que doublé (+105,85 pour cent) par rapport à 2016, considérée il est vrai comme une « annus horribilis » avec une chute de 38 pour cent des montants souscrits. Le record de 2015, qui s’élevait à 756 milliards, est donc battu.
Ce sont surtout les Ucits qui ont été à la fête, avec des ventes multipliées par 2,7, mais en partant d’un niveau assez bas l’année précédente. Leurs souscriptions nettes, d’une valeur de 738 milliards, ont représenté près de 78 pour cent du total. Huit « pays domiciles » ont dépassé chacun dix milliards de ventes. Soit, dans l’ordre Luxembourg, Irlande, Royaume-Uni, France, Allemagne, Espagne, Italie et Suisse. Les fonds alternatifs ont vu leurs ventes croître de 10,5 pour cent, une performance qui leur permet tout de même de parvenir à un niveau encore jamais atteint, avec 211 milliards. Cinq pays ont réalisé plus de dix milliards d’euros : dans l’ordre Allemagne, Irlande, Luxembourg, Royaume-Uni et Pays-Bas.
Les actifs gérés sont éparpillés sur un très grand nombre de produits : au total il existait en Europe plus de 60 000 fonds à la fin de 2017 (précisément 60 205). Les Ucits sont légèrement majoritaires (31 974), en hausse de 4,2 pour cent, tandis que les AIF au nombre de 28 231, sont seulement 0,3 pour cent de plus. Un foisonnement qui pose problème aussi bien pour les souscripteurs confrontés à une masse considérable de supports mais aussi aux sociétés de gestion. Ainsi, si la taille moyenne des fonds s’est accrue (elle atteint désormais 260 millions contre 241 millions en 2016), elle cache d’importantes disparités. On peut se demander combien de fonds atteignent une « taille critique », qui au demeurant reste à définir.
Pour analyser les supports sur lesquels les sommes sont investies il faut bien distinguer les Ucits et les fonds alternatifs.
Du côté des Ucits, les fonds investis en actions dominent (39 pour cent) devant ceux qui sont placés en obligations (27 pour cent). Cela dit, en 2017, les ventes de fonds actions n’ont atteint que la moitié de celles des fonds obligataires (159 milliards contre 316) et elles n’ont représenté que 21,5 pour cent du total souscrit. La tendance leur est néanmoins très favorable car ces fonds avaient connu des retraits nets de neuf milliards en 2016. Les fonds monétaires ne représentent que douze pour cent du total des actifs et 9,2 pour cent des ventes. Après les retraits nets observés de 2009 à 2013, ils ont retrouvé quelques couleurs.
Le rapport de l’Efama donne un coup de projecteur sur les ETF, qui connaissent un vrai engouement avec des encours en hausse de 23 pour cent en un an, même s’ils ne comptent au final que six pour cent des actifs en Ucits, en notant au passage que sur les 64,5 milliards souscrits en 2017, 88 pour cent l’ont été sur des ETF irlandais. Plus de 1 500 ETF sont désormais accessibles en Europe, soit 78 pour cent de plus en un an !
Pour ce qui est des fonds alternatifs, la diversité est reine avec 25 pour cent des actifs en « multi-assets » et 33 pour cent en « autres ». Le total des fonds « purs » en actions et obligations est d’à peine trente pour cent. Mais en un an, la tendance a été favorable aux actions, avec des encours en nette augmentation (près de 13 pour cent) alors que ceux placés en obligations baissaient de plus de trois pour cent en raison de retraits nets de 14 milliards.
Le poids des fonds monétaires est ici dérisoire mais on trouve aussi parmi les AIF les fonds immobiliers, qui représentent onze pour cent des actifs et connaissent une croissance soutenue (7,8 pour cent).
Contrairement aux UCITS, les fonds alternatifs sont pour près de la moitié (42 pour cent des produits et 48 pour cent des actifs) des « fonds institutionnels ». Par rapport à la moyenne des fonds AIF, ils présentent un profil moins risqué, étant davantage placés en obligations (24 pour cent), en « diversifiés » (43 pour cent) mais moins en actions et en immobilier (respectivement dix et huit pour cent).
En se fondant sur le critère de la domiciliation des fonds, les encours apparaissent très concentrés géographiquement : les cinq premiers pays rassemblent près de 80 pour cent des actifs totaux (lire encadré).
Plus que jamais, le Luxembourg est le paradis européen des fonds avec 26,6 pour cent du total.
Une place que le Grand-Duché doit à sa prééminence dans les Ucits où il pèse 36 pour cent des actifs, quasiment deux fois plus que son suivant immédiat, l’Irlande (18,8 pour cent). En revanche pour les fonds alternatifs, il arrive derrière l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, avec seulement 11,4 pour cent du total. L’Allemagne et la France font partie des onze pays où les actifs gérés en fonds alternatifs sont supérieurs à ceux gérés en Ucits : en Allemagne ils sont même cinq fois plus importants ! Cela dit en 2017 le Luxembourg s’est hissé à la troisième place des « ventes nettes » de fonds alternatifs avec une part de marché de treize pour cent.
La concentration géographique est encore plus marquée pour les souscriptions nettes que pour les encours : du côté des Ucits le Luxembourg et l’Irlande à eux seuls ont représenté 71 pour cent des ventes en 2017, et pour les fonds alternatifs 68 pour cent des ventes sont imputables à l’Allemagne et à l’Irlande.
Les chiffres de l’Efama montrent de grandes disparités géographiques existent en Europe, avec trois pays (Slovénie, Croatie, Chypre) où les actifs ne dépassent pas trois milliards d’euros, et la Bulgarie où il atteint seulement 650 millions. Dans de nombreux autres pays comme la Turquie, la Hongrie, Malte, la Roumanie et la Slovaquie les souscriptions en 2017 ont été très modestes.
L’Europe dans le monde
L’Europe représente un peu plus d’un tiers du marché mondial des fonds évalué à 44 300 milliards d’euros par l’Efama.
Le marché américain des fonds, avec 20 315 milliards d’euros sous gestion fin 2017, est supérieur d’environ un tiers au marché européen et sa part du marché mondial est de 45,9 pour cent. Il est beaucoup plus orienté sur les actions qu’en Europe (54,4 pour cent contre 29,2) et les fonds monétaires y pèsent aussi davantage (11,7 pour cent contre 8,3). En revanche, aux États-Unis, on note un poids moindre pour les fonds obligataires (19 pour cent contre 24,4) et pour les fonds diversifiés (14,7 contre 21).
Parmi d’autres pays étudiés par l’Efama, l’Australie affiche comme le Luxembourg et l’Irlande une taille de marché sans rapport avec sa population : 1 800 milliards d’euros. Le Brésil (1 600 milliards), le Japon (1 467) le Canada (1 416) et la Chine (1 416) se classent au-delà du Top 5 européen.
Le Top 5 du marché européen des fonds fin 2017
selon les actifs gérés, en milliards d’euros
Pays de domiciliation UCITS AIFTotal
Luxembourg 3 486 6734 159
Irlande 1 831 5662 397
Royaume-Uni 1 225 4211 646
Allemagne 372 1 6602 038
France 874 1 0551 929