Voilà dix ans déjà que la fondation Eme (Écouter pour mieux s’entendre) s’est donnée pour mission d’offrir de la musique à des personnes présentant des besoins spécifiques, ainsi qu’à celles qui ont été, par la force des choses, exclues de la vie culturelle. Et quelle noble mission. Créée en janvier 2009, la fondation Eme amène de la musique, via des concerts ou ateliers, aussi bien dans les hôpitaux, maisons de retraite, prisons ou encore foyers d’accueil de sans-abris et de réfugiés. En 2018, ce sont 600 évènements qui ont été organisés à travers tout le pays. Tous financés par des dons privés. Ce week-end, pour célébrer sa décennie d’activité, deux jours de festivités sont prévus à la Philharmonie. Tous les bénéfices engrangés seront évidemment renversés à la fondation. À ne pas louper donc.
Vendredi 1er février une poignée de journalistes se retrouve à la Philharmonie pour une conférence de presse. Dominique Hansen, directrice de la fondation, Sarah Bergdoll, coordinatrice de projets et Stephan Gehmacher, directeur de la Philharmonie et président de la fondation, reviennent tous les trois sur les origines du projet. Tandis que certaines personnes ne s’identifiaient pas à la Philharmonie, simplement et tristement de par l’existence de barrières sociales, d’autres de par leurs situations, conditions ou maladies en étaient aussi privées. Ça a commencé par de courts concerts ponctuels en maison de retraite. Aujourd’hui des ateliers de chant dans les services psychiatriques et autres concerts dans les hôpitaux et maisons de soins sont d’autant d’initiatives permanentes. Les deux intervenantes de la fondation, qui représentent à elles deux la direction de l’association, se remémorent certains projets qui les ont particulièrement marquées ces dernières années. Entre février et juillet 2018, Sylvia Camarda avait par exemple préparé un spectacle alliant musique, danse et théâtre intitulé Me, Myself and I avec des détenues du centre pénitentiaire de Schrassig. Ledit spectacle avait alors été joué à la Philharmonie, pour de beaux moments, forcément, devant un public nombreux. Autre souvenir, lors de l’arrivée massive de réfugiés en 2015, Robert Bodja, lui-même ancien réfugié du Togo, avait offert de séances de djembé à Weilerbach. La musique en guise d’exutoire, comme souvent.
Sébastien Grébille, violoniste à l’Orchestre philharmonique du Luxembourg (OPL) et photographe, a suivi de près le travail de la fondation. Plusieurs années durant, il a photographié des ateliers, y allant toujours avec des pincettes et évitant le voyeurisme. Comment montrer le handicap, de manière lisible, le transfigurer, tout en restant à la fois décent et non larmoyant ? Une question parmi d’autres qui mérite d’être posée. En guise de réponse, une exposition de ses photographies est à retrouver dans le hall de l’institution. Dix-huit photographies qui brassent un spectre assez impressionnant d’initiatives et qui peuvent ainsi donner une idée plus précise de quoi il en retourne. On y découvre notamment des moments de partage, parmi lesquels des photos d’enfants émerveillés, où leurs handicaps respectifs sont occultés au profit de la musique, qui est définitivement universelle. En présentant les photos une à une, Sébastien Grébille et Dominique Hansen se remémorent ainsi le cas d’un enfant autiste, totalement mutique, qui avait fini par prononcer un « äddi ! » aux musiciens, la plus belle des récompenses en somme.
Stephan Gehmacher décrit encore une visite d’Emmanuel Macron qui, après avoir entendu parler de la Fondation s’est demandé pourquoi elle ne faisait pas la même chose en France. Et justement, à terme, la fondation aimerait se développer à travers la Grande région où les besoins sont tout aussi spécifiques et grands. Sont aussi prévues des conférences, notamment sur l’influence de la musique sur la psychiatrie juvénile.
Ce soir, vendredi 8 février, aura d’abord lieu un concert de bienfaisance dans le Grand auditorium de la Philharmonie. Eliahu Inbal dirigera l’OPL, et Kirill Gerstein sera au piano pour deux célèbres pièces. Le Concerto en fa de George Gershwin suivi de la Neuvième symphonie « du nouveau monde » signée Antonín Dvořák. Une programmation qui n’est pas forcément des plus pointues, mais qui a le mérite de potentiellement fédérer. Demain, samedi 9, dans le cadre du Eme family day, carte blanche sera donnée aux musiciens de la fondation qui montreront la diversité des projets menés dans les trois salles de l’institution. Parmi les évènements proposés, un spectacle de danse et de rap par des adolescents du service de Psychiatrie juvénile des Hôpitaux Robert Schuman et sous la direction de Sylvia Camarda et David Galassi.