C’est tout au bout du jardin du Château d’Ansembourg que l’on peut apercevoir un aigle bicéphale doré, reposant sur une coque et sur un caillou. Cette sculpture symbolise la force et la volonté d’un empire austro-habsbourgeois de s’imposer en Europe. Les nombreuses statues mythologiques de cette allée du château des propriétaires de forges De Marchant et d’Ansembourg illustrent une fortune ostentatoire accumulée vers les années 1750 et mise en faillite seulement dix ans plus tard.
Lambert-Joseph de Marchant et d’Ansembourg faisait partie de cette minorité de gens riches, sur laquelle se base une image erronée de l’époque de l’occupation autrichienne du Luxembourg. Cette autorité s’est manifestée par toute une série de réformes qui ont finalement été résumées par le terme d’« âge d’or » pour cette époque du XVIIIe siècle au Duché du Luxembourg. Un siècle défini par un mythe, selon l’auteur Guy Schons. Mythe, qu’il s’applique à déconstruire dans son nouveau livre Matt Schong an Huesen an den Himmel kommen. Ce proverbe ancien fait référence à un privilège des ecclésiastiques, qui les autorisait à être enterrés chaussés.
Et Guy Schons aime se baser sur des proverbes de cette époque, qu’il considère comme des miroirs reflétant les usages et les coutumes, mais aussi les dures réalités de cette époque. Ainsi, le chapitre sur la vie quotidienne reprend toute une série de dictons qui illustrent des conditions de vies toutes aussi pittoresques qu’effrayantes. L’auteur y décrit avec précision, et statistiques à l’appui, une société basée sur les ordres de la noblesse du clergé et du tiers-état. Mais aussi les tentatives plus au moins fructueuses des autorités autrichiennes et de leurs représentants locaux, de mettre au pas et de réformer cette organisation complexe basée sur des privilèges anciens et leurs injustices conséquentes.
Bien plus critique que les saynètes du Abreisskalender de Batty Weber et les petites histoires des Kalennerblieder d’Evy Friedrich, mais aussi mieux organisé et moins farfelu que les accumulations de faits divers de Jos Demuth dans son cycle « das unbekannte und geheimnisvolle Luxem[-]burg », le travail de recherche impressionnant de Guy Schons, traduit une vision particulière de la vie sociale et culturelle au XVIIIe siècle luxembourgeois. Dès l’introduction, l’auteur donne les études d’Alphonse Sprunck comme référence déterminante pour son travail de recherche. L’ancien conservateur et directeur de la Bibliothèque nationale avait publié en 1956 et en 1963, respectivement, deux tomes d’une étude sur les classes rurales du Luxembourg au XVIIIe siècle, dont Guy Schons souligne l’analyse critique par rapport au mythe de l’âge d’or.
Matt Schong an Huesen an den Himmel kommen produit aussi le constat d’un échec. Celui d’un siècle des lumières, dont le rayonnement semble s’être nettement affaibli au Duché du Luxembourg, comme d’ailleurs une partie de l’autorité autrichienne, fortement déconsidérée, dès qu’ils s’agissait d’appliquer des réformes modernes comme celle de l’établissement du cadastre.
Avec son nouveau livre, Guy Schons réalise un travail d’historien tout en produisant des anecdotes plaisantes comme celle des pèlerinages et des processions religieuses qui avaient tendance à se terminer en virées nocturnes arrosées d’alcool. L’âge baroque au Luxembourg semblait impliquer des plaisirs « des jungen Volk bei dem pernoctiren », qui inquiétaient les pieux organisateurs à tel point que l’on se mit à les interdire.