Nous serons bientôt en 2011, entamerons déjà la deuxième décennie du XXIe siècle, et selon la presse internationale, le cadeau de Noël idéal s’appelle iPad, Kindle ou autre tablette sur laquelle on peut consulter des documents, journaux, livres ou films complètement dématérialisés. Visiter des Archives nationales, installées depuis 1968 dans l’ancienne caserne des volontaires au plateau du Saint-Esprit et dont les salles de stockage regorgent de documents historiques, dont le plus ancien remonte au VIIIe siècle, est alors un contraste impressionnant. Les papiers entassés en fardes qui débordent, les grands livres aux pages jaunies, les plans enroulés, l’odeur du vieux papier et de la poussière, la sacralisation de l’écrit et de l’original qui ouvre sur la connaissance du passé – tout ici devient alors merveilleux, presque mystérieux.
C’est de cette fascination pour ce vieux média, par cette sacralisation du papier, qu’est né le projet Couleurs d’archives d’Armand Strainchamps, qui expose actuellement une douzaine de toiles dans les couloirs du bâtiment. Ce qui intéressait l’artiste, connu pour ses grandes fresques murales en espace public et son expérience du copy-art, c’était la forme, l’objet, plutôt que son contenu... Une hérésie pour tout archiviste qui se respecte – ce qui explique probablement la mise en garde à l’entrée de l’exposition : « Les sources historiques que vous allez découvrir au cours de votre visite ne présentent aucun lien thématique ni chronologique entre elles, le choix des documents ayant été fait exclusivement en fonction de leur apparence. » Armand Strainchamps a accroché ses toiles hautes en couleur, réduites à quelques éléments essentiels comme la forme des tas de papier ou des plans, les volumes et les contrastes, vis-à-vis de vitrines avec des documents trouvés sur place, mais non répertoriés. Le lien formel devient tout de suite évident. Alors qu’ils sont « pliés par la charge lourde de l’histoire nationale », les documents auraient subi ici une « catharsis artistique » l’avait si justement décrit Danielle Igniti lors du vernissage.
Didier Damiani
Kategorien: Zeitgenössische Kunst
Ausgabe: 23.12.2010