Rien à voir avec le très conventionnel Cercle Munster et aucune parenté non plus avec le Club Monnet au Kirchberg, fermé en 2002 après sa retentissante faillite. L’ancienne fabrique de chicorée au 17 rue du Nord en plein cœur de la vieille ville, qui abrita longtemps la Justice de paix avant qu’elle ne migre à la Cité judiciaire, va se transfigurer en un « private member club » de 900 mètres carrés, calqué sur ces nouveaux clubs privés londoniens qui ont renoncé à certaines traditions trop machistes : le House17 acceptera les femmes (bien qu’il n’y en ait pas encore parmi ses associés fondateurs), et même les familles – plutôt le dimanche, jour non chômé –, le code vestimentaire autorisera de tomber la cravate et le costume trois pièces. De plus, les droits d’entrée relativement modestes si on les compare à ceux en usage dans d’autres capitales européennes – 850 euros par an – en feront un endroit relativement accessible, d’autant que le ticket d’entrée prévoit des tarifs dégressifs pour les moins de trente ans et les clients internationaux en quête de liens sociaux.
House17 devrait ouvrir ses portes, si tout va bien, à l’automne 2013 (l’ouverture était prévue initialement pour la fin 2012, mais la rénovation de l’îlot a pris beaucoup de retard), après que tout l’îlôt D, rénové par le Fonds de rénovation de la vielle ville, aura vu partir ses derniers ouvriers et que ses premiers habitants investiront les appartements « selects » qui feront prochainement l’objet d’adjudications par son promoteur public. Les promoteurs de ce club privé de « nouvelle génération », qui entend s’ancrer résolument dans le 21e siècle et se démarquer de son « concurrent » le Cercle Munster et sa clientèle issue essentiellement du secteur financier, veulent en faire un endroit tout à la fois relaxe, convivial, culturel et forcément élitiste, ouvert sept jours sur sept et jusquà des heures tardives.
Le point de départ du club était de faire un haut lieu pour les créatifs argentés (au sens large du terme) dans un cadre design (conçu par l’architecte Stefano Moreno) et au cœur de la ville : le monde du cinéma, de la pub, du design et de la presse devait se mélanger et socialiser avec celui de la finance nouvelle génération, celle qui n’aurait plus grand chose à cacher et qui, surtout, aime se montrer, se divertir et même grignoter. Sur les 900 mètres carrés loués un peu plus de 10 000 euros par mois au Fonds de rénovation de la vieille ville, le House17 proposera un restaurant gastronomique (une joint-venture a été prévue avec le restaurateur Jan Schneidewind pour l’exploitation de la partie restauration), un snack-bar pour les petites faims, des salles de réunion pour y faire du business, une salle de jeux avec billards pour socialiser et des consoles pour les accrocs des jeux électroniques, et même une bibliothèque pour les membres plus zen.
Quatre hommes sont à l’origine de ce club new look, un genre très en vogue depuis dix ans sur la place de Londres : Ralf Radtke, l’ancien directeur du Sofitel à Luxembourg, qui est désormais en poste à Istanbul, ce qui lui a fait prendre un peu de distance avec le projet ; l’avocat Alexandre Delagardelle, le Suisse Thomas Dürr, ancien directeur financier du groupe Swatch, et Andrew Burrows. Ils avaient été rapidement rejoints en 2011 par le créatif et homme de pub Will Kreutz, mais celui-ci quitta l’aventure après un différend financier avec ses partenaires, « bug » qui obligea d’ailleurs le projet à changer de nom (de Seventeen à House17), à ajuster certains concepts et à faire bouger des lignes. Will Kreutz vendit alors ses parts de fondateur à l’ex-banquier Alain Mestat, lequel à son tour céda la place à Eric van de Kerkhove, ancien associé de la firme Deloitte Luxembourg. Il y eut aussi d’autres démissions en cours de route, comme celle de Lex Benoit.
Le projet autour de House17 compte aujourd’hui six membres fondateurs et noyau dur, à l’origine d’une société anonyme, baptisée Seventeen Management, qui fut constituée en avril 2011. À Radtke, Burrows, van de Kerkhove, Delagardelle et Dürr s’est désormais ajouté le nom de Yves Deschenaux, patron d’une grosse fiduciaire au Luxembourg et ancien associé de Arthur Andersen. « Il manque une femme parmi les associés fondateurs », admet Eric van de Kerkhove dans un entretien au Land. Ce serait en effet un préalable nécessaire pour donner davantage de crédibilité au label auto-revendiqué de club de nouvelle génération. Dans le montage juridique, on trouve en dessous de la société anonyme Seventeen management, une société en commandite simple (SCA) sous le nom de Seventeen rue du Nord, structure mise en place pour accueillir les fonds des autres associés fondateurs du club. Idéalement, il en faudrait 117 à raison d’un « ticket d’entrée » de 10 000 euros pour une part fondateur, soit 1,17 million d’euros de capitaux de départ. Une action donne un droit d’entrée à vie, en plus d’autres avantages sur les consommations et la réservation de salles de réunion. La recherche des premiers membres a démarré à l’été 2011, avec la constitution officielle de la SCA. La question du financement est évidemment le nerf de la guerre d’un projet initié par une poignée d’entrepreneurs à titre individuel, sans le support d’investisseurs institutionnels. « Nous comptons sur le fait qu’il existe un dynamisme entrepreneurial au Luxembourg pour amener des actionnaires fondateurs », explique Eric van de Kerkhove. La mise initiale de 10 000 euros, qui pourrait faire a priori reculer les amateurs, serait amortie, selon ses promoteurs, au bout de sept ans, en raison des avantages en nature assortis aux parts de fondateurs.
Il y aurait d’ores et déjà entre 70 et 75 associés fondateurs, ce qui assurera le démarrage du club comme prévu à l’automne prochain : House17 table raisonnablement sur un peu plus de 500 membres au cours de sa première année d’existence, un millier après son second exercice et un peu plus de 2 000 au bout de cinq ans, à raison d’un droit d’entrée annuel de 850 euros pour les clients « locaux » et de 350 euros pour les membres de moins de trente ans. Des tarifs réduits ont également été prévus pour les membres non-résidents susceptibles d’être intéressés par le cadre très classe du club et sa vue somptueuse sur le Kirchberg et surtout les infrastructures d’accueil du 17 rue du Nord. Selon un plan d’affaires initial dont le Land a obtenu copie, et sur la base d’une trentaine d’employés et de 600 membres actifs environ, House17 pourrait dégager la première année un chiffre d’affaires se situant entre 1,7 et 3,6 millions d’euros, selon le degré d’optimisme du scénario. Dans le meilleur des cas, le club devrait même s’autoriser un petit bénéfice de 600 000 euros dès son premier exercice. Les frais fixes et variables devraient tourner aux alenours de 2,6 et 2,9 millions d’euros la première année. Le modèle d’affaires, qui s’appuyait initialement sur l’exploitation en propre de la partie restauration, alors que ce volet sera désormais géré par une joint-venture entre Seventeen et Jan Schneidewind et donc le risque opérationnel divisé par deux, prévoyait, au cours de la deuxième année d’exploitation, un chiffre d’affaires oscillant entre 2,7 et 3,5 millions d’euros. Après cinq ans d’activité, la vitesse de croisière du club privé devrait permettre, selon le scénario initial, de dégager un chiffre d’affaires oscillant entre cinq et dix millions d’euros et d’engranger des bénéfices tournant entre 1,3 million et 4,7 millions d’euros, sur la base de 2 250 membres actifs et 36 employés.
Un cocktail de présentation en novembre dernier au Windsor, l’adresse de Jan Schneidewind à Bertrange, ainsi que des courriers adressés aux VIP et chefs d’entreprise du pays a lancé la saison de la chasse aux sponsors et permis de trouver plus de 70 actionnaires. La quête aux associés fondateurs va encore s’étaler jusqu’à la rentrée 2013. Personne n’a encore souscrit plus d’une action. « Nous cherchons des gens qui ont confiance dans le Luxembourg », souligne Eric van de Kerkhove.
Michèle Sinner
Catégories: Commerce, Friches industrielles, Logement
Édition: 25.01.2013